31/10/2019
Marcia Resnick : education sentimentale
Marcia Resnick, "Re-visions", Edition Patrick Frey, Zurich, 104 p., EUR 52 / CHF 52
En 1975, Marcia Resnick est victime d'un accident de voiture. Sa vie est passée devant elle. Dès son séjour à l’hôpital, elle s'est remémorée tout ce qui l'a amenée en ce lieu. Elle a d'abord écrit et dessiné des images en vue d'un livre. Poignant et ironique cette autobiographie s'est métamorphosée par les photographies que l'artiste composa.
Elle y met en scène l’adolescence féminine par une revisualisation de mémoire. La narration ouvre sur la condition de l'adolescence et ses fantasmes là où textes et images se répondent dans un double récit qui, lors de la première édition, avait séduit Andy Warhol et Allen Ginsberg. Plus de 40 ans après ans, l'artiste Lydia Lunch, amie de "Bad" (son surnom warholien) salue cette deuxième édition où la perversion pointe toujours de manière délicieuse dans les affres de l'adolescence naissante.
Le corps lancé, au lieu de s’imbriquer dans un autre, vaque au fil des jours. Bref le temps de discerner et comprendre ce qui aurait pu agir est repris et commenté. Le tout dans un état érotique déplacé. Tout semble procéder d’un éros impersonnel, harmonieusement inclus dans le faisceau des forces qui fusaient à ce moment, au même titre qu’une acuité sensorielle accrue, une montée de température et l’assouplissement des articulations. L'artiste rejoint suffisamment le régime phénoménal pour dépasser ses propres conditionnements et en tenant compte des partitions qui régissent notre espace.
Jean-Paul Gavard-Perret
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28/10/2019
Florence Andoka : fats et cochères
Plutôt que de prétendre dresser ce qui nous habiterait dans la caserne de notre prétendue pureté, Florence Andoka met à nu nos animaux qui persistent. Les bêtes fabriquent une perspective que nous voulons ignorer mais que l'auteure rameute à travers nos déserts d‘ennui. Sans cesse elle les fait glisser vers le tronc de nos heures. Nos félidés sont "indociles" et un "scarabée iridescent en guise de caillou" tremble sous la langue. Mais il est aussi en nous des "chiens plus doux que des humains" et un marcassin peut servir de partenaire à une vieille dame. Pas de quoi en faire un fromage.
Cela apaise nos hantises, leurs coloris, leurs cris, leur "crinière". La mémoire ou l'oubli - comme on voudra, - dans les instants où, écrasant la pensée, la poésie se concentre pour percer la peau fuyante de l'inconscient. La hantise primitive de l’animal demeure. La pensée dans ses champs de fouilles voudrait la déjouer, lui imposer le silence. Mais prise en revers le subconscient signe son extension. Et Florence Andoka en provoque l'opération. Dire ne revient donc pas à se défaire de la bête. Bien au contraire. Une telle nudité peut mettre au moins au jour ce qui fait la débauche, la pusillanimité, l’absence de vertu (à laquelle chacun peut trouver "un charme fou".)
Jean-Paul Gavard-Perret
Florence Andoka, "Trop bête pour toi !", Editions Mediapop, 2019, 5.00 €.
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27/10/2019
Sophie Taeuber-Arp : pour une autre présence.
Suite à son concept "L’homme qui a perdu son squelette" - proposé à Hans Arp, Marcel Duchamp, Paul Eluard, Max Ernst, Georges Hugnet, Henri Pastoureau et Gisèle Prassinos - la Suissesse Sophie Taeuber-Arp, publia le "résultat" (plus que probant) dans les numéros 4 et 5 de sa revue "Plastique", en 1939.
Toutes les oeuvres semblent, tirées des obscurités intérieures où elle préexiste chez l'artiste ou l'écrivain en tant que loi de la nature ou de l'anti-nature par la contemplation du corps indépendamment du principe de la raison.
Les oeuvres prouvent que le style est plus une affaire de vision que de technique. La où le sujet sans squelette ne meurt pas puisqu'il est sauvé par le texte et les images.
Le dynamisme des images comme des textes empêche de s'enfermer dans une structuration admise là où il faut continuer sans la vertébration. La proposition de Sophie Tauber-Arp permit de sortir de la grossière tentation de produire des oeuvres intellectuelles. Tout se ramène à une affaire de sensation là où le sujet ne meurt pas d'absence de vertèbres. Il trouve dans cette nouvelle donne un corpus en attente et sans fin.
Jean-Paul Gavard-Perret
Collectif, "L’homme qui a perdu son squelette", Illustrations de Max Ernst, Fonfroide le Haut, 2019, 48 p., 15 E..
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