12/03/2014
Des cratères endormis aux affleurements : Barbara Bonvin
Barbara Bonvin, Aperti 2014, Lausanne, 5-6 avril 2014.
Barbara Bonvin diffuse le réel pour qu’en émerge des profondeurs au dessous de l’écorce qui les contient. Une sorte de rêve s’allume à la tombée des couleurs, de leurs taches ou leurs à-plats. Un songe s’élève au sein même de paysages dévorés d’ouvertures. Des lueurs échappées tirent doucement le réel vers ce qu’il faudrait voir. On le peut car le rideau se déchire. Des courants, des mouvements agitent la surface des peintures comme des gravures. Sont atteints des passages envoutants. Parfois ne reste que la trainée opaque d’une sentinelle mais le plus souvent dans le monochrome comme dans le jeu des couleurs des abîmes s’allument. Chaque tableau de la Lausannoise reste une interrogation. Il y a des cratères d’éruption à l’envers, le feu grince en de lointaines divergences, le noir se tord sous des salves où germent des constellations. Parfois des sédiments d’éternité se déposent doucement et parfois la peinture s’envole. Au passage elle ronge le mystère des porphyres nuageux porteurs de veinules coulant sur la toile. Ou elle maraude la vie tombante lorsque Barbara Bonvin secoue les montagnes qu’elle arrose d’un imaginaire dont les couleurs se mitonnent au fond d’écuelles disputée par des esprits célestes ou fous bouche ouverte. Au besoin l’artiste les épingle sur l’une ou l’autre de ses toiles pour sortir le monde de sa mesure et de son repos dans un travail de plaisir et de recueillement. Le futur est toujours en instance de formes et de couleurs qui distillent déjà de subtiles clartés. Entre fluidité et densité l’artiste filtre le monde et l’image en rusant parfois de tourbillons ou d’effets de plans.
Jean-Paul Gavard-Perret
14:12 Publié dans Femmes, Images, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
Les déflagrations silencieuses de Thomas Huber
Thomas Huber, Skopia – P.H. Jaccaud, du 20 mars au 10 mai 2014.
Avec Thomas Huber le spectateur fond dans un réel transformé pour se reconstruire selon une autre dimension aussi « carrée » que diaphane. Le monde semble à la fois grandiose et intime par effet de contact différé. Face aux éclats médiatiques l’artiste impose sa rigueur, son ascèse où néanmoins les couleurs provoquent une sensorialité particulière. Le regard est soumis à un écart, une dérive que souligne l’artiste dans ses mises en abîme. Surgit le silence dans une circulation des formes en un espace inconnu : désert plus que désert et qu’on ne peut nommer. Il faut pourtant s’y enfoncer car en dépit de la froideur poussent des valeurs humaines que l’apparente inanité caresse en pénétrant l’être et en le déliant doucement.
L’art devient celui du souffle encadré, du souffle qui tremble à la limite du réel et de l’irréalité. Apparaît la région des tremblements furtifs où tout se découpe avec précision en un double registre pour que résonnent la voix du passé et les appels d’avenir. Au delà des géométries la lumière met un sceau aérien dans chaque toile. S’y entendent subrepticement des résonances venues de partout ou de nulle part. Huber montre en ce sens et avec superbe l’extrême ténuité de l’être par des images singulières unies et séparées qui viennent se rencontrer en une déflagration silencieuse.
Jean-Paul Gavard-Perret
08:50 Publié dans Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
10/03/2014
Paul Limoujoux : tout ce qui reste
Paul Limoujoux, Quark, Genève du 20 mars au 8 mai 2014.
Paul Limoujoux crée par sa peinture une transparence : il fait sortir des éléments les plus simples (de consommation courante par exemple) un paysage d’essences pures dévorées dans un cercle de l'absence que des objets épars tentent de combler. Le monde devient une suite d'empreintes perdues au fond de l'air comme de ta toile en sa blancheur de temps. Un temps non pulsé pour qu'il s'étire. Un temps à la Duras ou à la Godard - mais selon d’autres voies. Demeure la folie de voir. De voir peu. Ou plutôt de croire voir. De croire voir. D’entrevoir. Loin. Là bas. Ici même. A peine. A peine.
Jean-Paul Gavard-Perret
16:24 Publié dans Genève, Images | Lien permanent | Commentaires (0)