17/05/2015
Pierre Abensur chasseur de chasseurs
Pierre Abensur, « Trophées subjectifs », du 24.2 au 15.6 2015, Musée de la Chasse et de la Nature, Paris.
Pour sa série de Trophées subjectifs. Pierre Abensur, photographe et reporter, parcourt le monde (Suisse, Mongolie, Argentine ou Finlande) depuis des années. Il « chasse » les chasseurs suivant une règle inamovible : l’homme est saisi dans la nature avec l’un de ses trophées. Tout autre apport aliènerait le propos. Une telle rigidité thématique et sémantique permet d'accumuler le non exprimable. L'espace local, la durée du moment de la prise crée une dimension dans lequel le lieu se déplace de son segment géographique. Se crée un paysage et un portrait autant physiques que mentaux.
Chaque mise en scène s'affirme comme une trouée insidieuse et sourde. Elle sape l'apparence que le sujet semblerait induire. Les silhouettes immobiles au milieu des reliefs créent un écart grâce à la maîtrise de l’artiste. Chaque photo emporte au plus profond de soi. Elle lui rend un espace particulier : de vie là où la mort fut donnée. Sans que pour autant l'artiste suisse donne la clé sur son propos. Le chasseur a beau redresser les épaules, le cou, la tête. Le portrait devient un ventre où l'espace s'ouvre : émerge un territoire très intérieur sauvé du charnier. Il arrive parfois qu’en un tel « propos » le vent tourne sans rapatriements possibles.
J-Paul Gavard-Perret
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16/05/2015
Papiers franco-suisses de la liberté : Bruno Muller et les autres
Bruno Muller, Théodore Mann et Bernard Schultze, « Les papiers de la liberté », Galerie Mottet, Post-war & contemporain, Chambéry, mai 2015.
Pour rentrer dans l’humain il faut toujours l’art. Mais pas n’importe lequel celui qui dans la mouvance de Bram van Velde, Wols et Michaux se façonne d’encres, de vagues, de tourbillons qui laissent toujours en état second et au sein de jardins abstraits. Reliant l’après guerre et 2015 Mottet donne de la mouvance de l’art informel trois point de références : Bruno Muller (1929-1989) qui quitta sa Suisse natale à l’âge de 22 ans, Bernard Schultze (qui aurait eu 100 ans cette année) et un tout jeune artiste né à Lyon en 1985 : Bruno Muller. Outre l’approche informelle, ces trois artistes ont privilégié le support papier : dans ses fibres surgissent d’étranges chats gris de la nuit. Ils s’agitent ou s’endorment : façon d’éveillé, façon d’endormi comme aurait dit Michaux. Dans les trois cas des cauchemars lancent leur boule de neige en pleine figure. Il existe des typhons de lignes, des oscillations. Elles cultivent la drôlerie et l’énigme.
L’exposition est une totale réussite : il faut suivre ses encres et dessins, s’attacher à leur « microbes-ionologiques » en versions minimalistes capables de produire des trouvailles sournoises et traîtres mais qui sont les plus merveilleux des misérables miracles. Les trois artistes ont en effet inventé des consistances gênantes, des sillons, des fractures. Ils feignent d’aimer le lisse mais aiment se livrer à des pullulations comme à des éclipses. Ils entrent donc bien dans l’humain qui n’est pas nôtre mais qui est pourtant bien de chez nous. Les éléments épars-joints des trois œuvres en écho le prouvent. Le Démon semble les avoir accomplies. Le Démon existerait donc - disons qu'au moins, ce qui en existe, est ce que les créateurs en montrent. Dans le blanc et le noir, là où le fond devient parfois surface. Si bien qu’il n’existe plus d’arrêts ni de répits.
Jean-Paul Gavard-Perret
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15/05/2015
Hubert Renard : signes et significations
Hubert Renard, « quarante deux cartons d’invitation aux vernissages », Editions Incertain Sens, Rennes, 2015, 88 pages, 10 euros, 2015
Belle idée que celle d’Hubert Renard proche des jeunes artistes lausannois (Fretz, Loye, etc.). Il a rassemblé les cartons d'invitation de tous les vernissages de ses expositions de 1971 à 1998. Ils fonctionnent comme une chronologie mais aussi en tant qu’œuvres d’art : car chacun est un signe distinctif des divers temps du travail de l’artiste. S’y lit aussi toute une contextualisation de l’œuvre à travers les choix graphiques des cartons et les règles en usage selon les lieux d’exposition (institutions, musées, galeries, biennales, lieux alternatifs, pays).
Certes les œuvres du créateur ne sont pas forcément reproduites et les textes demeurent laconiques : néanmoins un tel livre permet à la fois de découvrir les réalisations cartographiques de l’artiste, de suivre le fil de son œuvre. Il permet aussi de retrouver - pour les expositions collectives - le nom d’artistes proches de Renard. Chaque carton est donc à la fois vecteur de signes et significations. Le tout selon une évolution qui ouvre à la compréhension de leur histoire comme de celle du travail de l’artiste. Sa qualité du faire est toujours présente dans la simplicité. Si bien qu’en ce répertoire d’étapes successives l’esprit du créateur, ses possibilités figuratives, ses ambitions et son imaginaire demeurent toujours présents de manière concise mais évidente. Là où l’artiste aurait pu subir les formes dans un cadre d’un pur énoncé il en reste le maître.
Jean-Paul Gavard-Perret
15:04 Publié dans Images, Lettres, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)