26/08/2015
Krum et les mondes parallèles
Krum, "O2 / planches originales", Galerie Christopher Gerber (dans le cadre du Festival International de la Bande Dessinée de Lausanne 2015)
Né en 1979, Krum se tourne très tôt vers les arts graphiques. Après deux ans à l'école des beaux arts du valais, il se lance dans une série d'expositions de 1999 à 2001 et en 2093 crée Absurdostudio, son propre studio d'illustration et publie dans la foulée « l'Au-dessus » son premier album. Pour promouvoir le livre, il dessine seize affiches géantes disséminées dans Vevey et se retrouve de facto à la création du festival Pictobello. Après 10 ans de silence « officiel », « O2 » est d’abord paru en ligne. L’album est une fantastique narration muette et contemplative d’un monde imaginaire sombre aux cités extraordinaires où se mêle la nature et le rêve.
Il y poursuit des questions essentielles pour lui : « Pourquoi les oiseaux volent-ils, pourquoi le ciel est-il bleu pantone, pourquoi les mines de Pentel 0.5 sont-elles si vite usées ? ». Au sein d'un fantastique impressionnant Krum fait glisser la B.D. vers une autre surface de prospection. Le dessin atteint un épique particulier et « grand spectacle ». Tout est cru, violent et le dessinateur vaudois n'a jamais été autant au mieux de sa forme en sa violence iconographique et iconoclaste où le monde défile dans une ronde symbolique, et essentiellement poétique et fascinante. Les variations de plans régissent l’œuvre. Elle reste en perpétuel décalage - symbole de liberté. Le rêve devient une manière d’accorder au réel un tatouage inédit
Jean-Paul Gavard-Perret
09:24 Publié dans Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
24/08/2015
Les super-positions d’Alexandra Nurock
Alexandra Nurock, "ça peut toujours être utile », Milk-shake Agency, Genève, à partir du 28 Aout.
Réalisatrice de documentaires, performeuse, scénographe la Genevoise Alexandra Nurock offre des plaisirs délicats à travers ses travaux de céramique. C’est un moyen de regarder avec humour le monde. Le titre « ça peut toujours être utile » montre combien l’artiste ne se monte pas la tête. Elle préfère monter par superpositions divers vases en porcelaine et émail. Certains sous formes géométriques élémentaires (créé selon la technique du « montage à la plaque ») ou des tubes d’aspect organique agencés à la main. Le face à face entre l’artiste et la matière permet une élaboration qui s’invente en avançant. Mixant des émaux de natures différentes l’artiste découvre la disposition finale qu’après la cuisson et ses aléas.
Surgissent des turgescences plus ou moins complexes rappelant autant le féminin (vases) que le masculin (portions de phallus) et mélangeant leurs fonctions d’autant que les formes en s’émancipant de leur caractère normatif débordent de secrétions plus ou moins intempestives. Il ne s’agit pas seulement de leur refuser « une vulgaire mission de servitude domestique car ils sont certifiés parfaitement étanches » précise l’artiste. Manière surtout d’ironiser des objets scénarisés au Milk-shake Agency sur des tables basses faites de plaques de verre et de portions de vagues copies de chaises "designées" par Mart Stamm et Marcel Breueren. Manière d’ajouter un niveau supplémentaire à la critique des objets qui d’utilitariste deviennent aussi des fétiches de réflexion sur monde contemporain par leur force poétique.
Jean-Paul Gavard-Perret
08:58 Publié dans Femmes, Genève, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
22/08/2015
Bienne change d’horloge (biologique)
Festival de performances de nudité urbaine à Bienne.
L’art quel qu’en soit la « formule » est le seul moyen de faire glisser de l'ombre à la lumière en des assemblages plus ou moins choquants. Mais pour convaincre les autorités de Bienne d'accueillir un festival de nu Thomas Zollinger a dû batailler tout en ayant à ses côtés des édiles capables de relever le gant. L’organisateur a été aidé par la présence d’une Milo Moiré dont la réputation d’abord sulfureuse a fini par faire avancer les choses. Et l’artiste de préciser « Toutes les réponses données aux médias ne parleront jamais mieux de ma démarche qu’un tel festival. Les vraies réponses ne se trouvent pas dans ma bouche mais dans mon corps dénudé, dans son image et dans ma création ».Le calme du festival prouve que le corps nu est un support d'art de rue acceptable et acceptée. Les Biennois et les visiteurs démentent par leur présence que l’hypocrisie ou la résistance à la nudité peut devenir une idée fausse. Le festival prouve la tolérance d’un pays au moment où tant de lieux se replient vers un moralisme myope.
Il est vrai que Zollinger a peaufiné l’organisation de son festival. Responsable le groupe du « Théâtre rituel » il a produit un certain nombre de spectacles autour de la nudité. A Bienne il a travaillé "avec des corps nus de manière globale, en incluant la circulation des piétons et l'environnement architectural". Il a en outre précisé son objectif à l’AFP : « remettre en question ce qui appartient à l’espace public ».
Certes l’événement - on s’en doute - ne fait pas l’unanimité même si Thomas Zollinger a prévu les barrages et parages nécessaires : « qui voudra éviter les nus pourra le faire grâce à des affiches placées en bordure de la zone autorisée ». Néanmoins le festival est une réussite et illustre que montrer le corps ne répond pas forcément à la quête d’une satisfaction pulsionnelle : à l’inverse elle met en exergue le gain d’une "dépense" particulière grâce à des corps dégagés de leurs textiles leurs « d’usage ». Intime le corps nu est reconsidéré par un travail tout sauf dérisoire. Il donne passage à une image de l’art plus exogène et efficiente que dérisoire.
Jean-Paul Gavard-Perret
21:34 Publié dans Culture, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)