14/12/2015
Roberto Greco le fabuliste
Œuvres de Roberto Greco, Forma, Lausanne.
Par la fascination de ses images et le magister qu’elles imposent Roberto Greco fait passer du paroxysme de l’idéal à un abîme animalier. Ancien élève de l’ECAL, Roberto Greco est un photographe faussement « naturaliste ». Il rappelle aux étourdis que rien ne sert de chasser la bête : elle revient au galop. L’artiste s’en empare : empaillée elle devient star puisque dans l’œuvre le règne animal garde le haut du pavé. Il ne manque ni de gravité, ni de légèreté. Car l’animal fait bien les choses. Et Greco devient un fabuliste photographe. Ses bêtes sont nos semblables, nos frères mais les choisir en lieu et place de nous atténue le traumatisme que les mises en scènes de l’artiste génère.
Celles-ci possèdent ici une perfection formelle. Il y a de la vanité, de la nature morte dans l’air. Mais tous les genres sont revus et corrigés. L’animalité permet de montrer ce que le « sujet » anthropomorphe n’aurait pu révéler à la fois de la vie et de la mort. La fable visuelle se répand pour répondre aux chants désespérés de la condition humaine. Grâce à l’animal ils semblent plus beaux. Roberto Greco fabrique une perspective que nous voulons ignorer. Preuve que l''art non seulement peut mais se doit à l'animal. Il redessine le lieu de l'art comme celui du deuil, de la mélancolie et de la drôlerie. Photographier l'animal revient donc non à proposer une imagerie folklorique mais à saisir qui nous sommes à travers ceux qui nous affectent et nous grignotent.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:52 Publié dans Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
12/12/2015
Les « confusions » amusées d’Andrea Crespo
Andrea Crespo, « Virocrypsis », Swiss Institute, New-York, 18 décembre – 20 décembre 2015.
Andrea Crespo joue avec les images, les supports et leurs machineries. Ces dernières font autant l’enjeu que les premières selon une perspective que Godard avait suggéré il y a bien longtemps. Depuis le processus s’est « institutionnalisé » et la créatrice la porte plus loin dans tout un montage/montrage afin de prouver qu’il n’existe pas d'autres passages en l’art. L’image se voit en eux et eux-mêmes deviennent « images ».
Exploratrice de landes ignorées dans un territoire pourtant connotée Andrea Crespo crée des hymnes à la lumière jusqu’au cœur du noir. Elle reste l’équilibriste sur un fil invisible entre l’image et sa fabrication, il y a là « l’offre » et ce qui la génère. Ce face à face permet de sortir des lieux communs dans un parcours pluriel. L’artiste dégage l’art de la nuit de songes pour que le corps se baigne dans d’autres lumières que celle des symboles. Beau programme.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:26 Publié dans Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
11/12/2015
Tomi Ungerer : ligne générale
Tomi Ungerer, « Elephants, Whales & Kangaroos », Nieves, Zurich
Avec Ungerer et dès ces premiers « sktechbooks » republiés aujourd’hui l’animal n’a plus besoin de toutes ses formes pour séduire. Le dessinateur en cultive le silence. Mais tout autant une charge et presque des odeurs dans l’air. Au cloisonnement répond l’évasion. Le monde change de formes mais il est bien là.
Dans une forme de légèreté et d’humour selon diverses facettes une vision fantomale recrée le réel, elle devient une note en marge d'un texte du monde presque totalement effacé. Nous pouvons plus ou moins, d'après le dessin, déduire ce qui devait être le sens de ce "texte" qu'Ungerer multiplie. L’espace est à l’intérieur de l’espace. Il n’est pas à l’intérieur des choses. C’est ce qui lui donne toute sa présence. Entre le royaume du dessin et celui de l’animal un dialogue commençait chez l’artiste dès les années 50 et 60 en des épures parfaites et audacieuses. Elles réveillaient les regards et les éveillent encore. Loin des ombres demeure l’éloge de la ligne pure.
Jean-Paul Gavard-Perret
17:11 Publié dans Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)