14/05/2016
Olivier Richon : éloge du secret
Olivier Richon, « Images littéraires », Circuit, centre d’art contemporain, Lausanne, du 21 mai au 2 juillet.
Le secret du secret n’a pas à être éventré donc éventé. Olivier Richon le sait. Certes, et Foucault nous l’a appris, tout dans notre société fonctionne sur l’exhibition, la transparence ou – du moins – sur leur illusion. Raison de plus pour préserver le secret. L’artiste vaudois lui donne chair ou carapace, là où règne les ombres et le silence qui n’est pas forcément de mort. Tout sans l’œuvre est suspendu, en attente. Reste un souffle ou s’exhale et se dépose sa buée, sa poussière.
L’artiste par ses figurations crée une manière de voir, de penser, de sentir, d’exprimer. Il ne cherche pas à transgresser des « fantômes » mais simplement à les circonscrire. Il s’agit de voir ce qui se cache dans le suspens. L’artiste ne dérobe pas la vie : il la préserve dans les « vanités » les plus authentiques qui soient par un travail de résistance à la vérité instrumentalisée et à son crime parfait. Il offre aussi une autre alternative. L’empire de la suggestion suit son cours. Sa souveraineté opérationnelle reste en équilibre entre le visible et l'énonçable là où le contenu ne se confond pas avec le signifié.
Jean-Paul Gavard-Perret
08:57 Publié dans Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
13/05/2016
Vera Lutter : le réel et son ombre
Vera Lutter, galerie Xippas, Genève, du 19 mai - 31 juillet 2016.
Loin des contraintes naturalistes Vera Lutter ouvre le ventre du réel pour en faire jaillir un onirisme. Elle expérimente tout les potentiels du procédé de la camera obscura en enregistrant en direct et en négatif des effets de la lumière sur le papier sensible. Son œuvre ouvre sur le paysage urbain, l’architecture, les sites industriels (ports et chantiers) auxquels elles donnent des visions mythiques et en abîme par effets de miroirs. Venise inondée, les gratte-ciel de Manhattan prennent un caractère aussi féerique qu’étrange.
Souvent monumentales ses photographies subissent de longues durées d’exposition à la lumière (parfois plusieurs jours). Elles sont créées par des appareils photographiques qui ont la taille de ses images. Si bien qu'il est nécessaire parfois d’utiliser des containers en chambres noires. L'éphémère, le mouvement se diluent dans le temps de la prise en retenant parfois des formes fantomales. Au réel s’ajoute des hybridations qui semblent aussi irréelles que fluides, là où le flou se conjugue à la précision. Un tel travail pourrait ressembler à une performance. Néanmoins seul le résultat fini compte. La question du réel et l’essence de la photographie sont remises en cause.
Le charme opère. Les cadrages et la lumière créent des images ambiguës, déconcertantes. Elles plongent le regardeur vers une série d’interrogations. Si bien que la photographie n’est plus l’infirmière impeccable d’identités paysagères conformistes. L’imaginaire du regardeur est obligé d'imaginer encore. Le retour à la réalité se produit de manière compulsive et délirante entre ivresse et rêve là où le paysage est séduisant par ses métamorphoses nocturnes.
Jean-Paul Gavard-Perret
11:09 Publié dans Femmes, Genève, Images | Lien permanent | Commentaires (1)
12/05/2016
Todd Hido et le corps des femmes
L’œuvre de Todd Hido reste - entre autres - une traversée du féminin le plus troublant qui soit. Dans les jeux d’ombres et de lumière se cache le secret de l’identification. Les femmes restent aussi énigmatiques qu’impudiques (parfois).
Mais le plaisir n’est jamais offert en vrac et en prêt à consommer. La force centrifuge de la photographie n’est pas là pour soulever du fantasme. Elle rappelle la fragilité de l’existence et les forces des désirs refoulés.
Todd Hido mène plus loin la nudité selon des voies presque impénétrables. Reste toutefois encore un jardin des délices. Le désir est suggéré en des suites sans complaisance. Mais nous sommes loin des fantômes de château de cartes érotiques. L'artiste refuse que ses images ne soient des ancres jetées dans le sexe pour que le voyeur s’y arrime. Todd Hido cherche moins l’éclat des « choses » visibles que l’éclat du vivant.
Le désir "enfermé" offre une autre "étendue". Le regard n’en vient pas à bout. Le corps n’est plus celui de la béatitude exaltante et il se méfie de sa propre séduction. Le « réalisme » ou plutôt la figuration rapproche inconsciemment d’un souffle de l’origine, de la « nuit sexuelle » qui tente, tant que faire se peut, de se respirer ailleurs par ce qui est suggéré. En conséquence les photographies deviennent « les sanglots ardents » dont parlait Baudelaire.
Jean-Paul Gavard-Perret
16:45 Publié dans Images, Monde | Lien permanent | Commentaires (0)