27/05/2016
Quotidien et rituels : Shuji Kobayashi
En photographiant de jeunes femmes, Shuji Kobayashi saisit le fragile, le mouvant et l'émouvant, le désir et la vie contre la mort accumulée par les habitudes. De ses femmes à demi nues il n'y a rien qui puisse être encore retiré sans annihiler le propos de l’artiste. Ce qui s’ignore et ce qui se perd demeurera tel quel : l’artiste se contente d’accorder à l’opacité une clarté suggérée.
La femme se révèle en son essence. S’y affirme sa différence comme présence puissante et immanente. Les prises s’élèvent contre toute mondanité et interroge ce qu’il en est moins de l’amour que de son aussi longue absence ou attente. Le corps échappe autant à la métaphysique qu’à l’animalité.
Shuji Kobayashi démystifie un certain érotisme mais de manière hallucinatoire entre l’ombre et la lumière. Il comprend non seulement le corps de ses modèles mais qui elles sont et ce qu’elles peuvent donner en une sorte sinon d’amour du moins de communauté et d’entente tacite. L’atmosphère demeure trouble parce que le photographe et ses égéries sont eux aussi troublés. C’est comme s’ils faisaient ensemble un crumble rhum et cannelle à déguster à deux dans une cérémonie athée.
Jean-Paul Gavard-Perret
16:55 Publié dans Images, Monde | Lien permanent | Commentaires (0)
Dorothy Iannone l’impénitente “pornographe”
Dorothy Iannone, « The Story Of Bern (Or) Showing Colors + The (Ta)Rot Pack + A Cookbook”, du 3 juin au 10 juilllet 2016, Centre Culturel Suisse, Paris.
Depuis le début des années 1960, Dorothy Iannone développe une œuvre subversive, féministe et politiquement incorrecte. Peintures, dessins, collages, sculptures, vidéos et livres d’artistes mêlent mythologie et autobiographie dans un langage coloré et hybride. Le CCS présente les 70 dessins de « The Story Of Bern (1970), récit illustré sur la censure subie par l’artiste lors de l’exposition collective « Freunde » à la Kunsthalle de Berne, et le facsimilé de The (Ta)Rot Pack (1968-69 / 2016), un jeu de tarots qui évoque sa relation avec l’artiste zurichois Dieter Roth.
Pour Dorothy Iannone la différence entre la pornographie et l'art est simple : l’'art se contemple indéfiniment qu’il suffit de jeter qu'un coup d'œil à la pornographie avant de la laisser. L’artiste retrace la tension entre éros et thanatos, le rêve et la réalité. La pulsion de désir. S’y révèle l’intensité physiologique traitée avec drôlerie. Sans attitude morale, ni jugement la créatrice ouvre la perception pour mettre en porte à faux notre assurance et notre suffisance pour rendre la situation de voyeur inconfortable. Comme toujours lorsque de nouveaux regards sont sollicités, un univers riche se fait jour. Saisie par un sentiment d’implication totale l’artiste est elle-même prisonnière consentante de ses images pour mettre en exergue les corps. Ses œuvres sont des farces mais surtout des actes de résistance.
Jean-Paul Gavard-Perret
12:06 Publié dans Femmes, France, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
26/05/2016
Du photographique au scénographique : David Gagnebin de Bons
Toute l’histoire et la tradition culturelle de l’image comme d’une certaine littérature (entre autres Ramuz) sont repris par David Gagnebin de Bons afin de créer un enchantement et une distance critique. Emane un étrange effet de proximité et d’éloignement, de complicité et de mise à distance. Le tout en une certaine froideur majestueuse. L’artiste tente de s’échapper à la picturalité. Mais la mise en scène demeure dans la recherche de divers déséquilibre.
Avec le Lausannois la photographie s’oriente vers un langage spécifique loin la grande tradition réaliste ou lyrique plus ou moins impressionniste. L'œuvre s’enrichit d'une poésie qui rapproche le médium de ses possibilités spécifiques. L’image apparaît comme un voile qu'il lui faut déchirer afin d'atteindre les choses qui se trouvent au delà dans le but de plonger vers l'opacité révélée d'un règne énigmatique.
Le créateur ne cherche pas à satisfaire le regard et la curiosité par des images accomplies, arrêtées mais par divers types de « déhanchements ». L’être - lorsqu’il est présent - semble s’appuyer sur l’éclat des couleurs étouffées. Celles-ci créent une multitude fractionnée ou le balbutiement d’une ombre est à la recherche de ce qui la génère à travers des "occurrences" où tout se laisse voir et où tout se perd pour approcher une renaissance incisée de nouveaux volumes.
Jean-Paul Gavard-Perret
14:01 Publié dans Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)