03/10/2016
Gorges profondes : les « Love’s vidéos » d’ASMR
Jennifer Allen directrice d’une entreprise de cyber sécurité s’est transformée pour le fun en ASMR (aka SMRotica ou autres noms d’emprunt) afin de proposer la facticité d’une image vidéo hot dont le but est de produire une immédiateté attendue. Elle n’évacue pas tout effet de miroir mais joue surtout de la séduction. La narrativité tentatrice - au moyen de la scénarisation de celle qui se nomme « poulette » - offre un corpus d’images animées où ne demeurent que des schèmes volontairement génériques simplifiés. Un buste de femme, un plongeon sur sa gorge deviennent des dispositifs voulus comme ludiques en un « low tech » qui fait appel au « basic instinct » du voyeur.
Son projet a dépassé son espérance. Sans autre médiation que celle d'une incandescence froide et brulante que ne trouble aucun bruit si ce n’est celui de la voix de l’artiste, l'expérience anodine a priori est devenue un succès aux USA et contamine l'Europe. Le visible se dissout dans le leurre qu’il propose, mais le voyeur s’en moque. L’image construit d’une fantasmagorie proche d’une hallucination.
Elle permet aux fantômes de sortir de leur cachette par milliers. Parfois le phallus devient un bonbon attrape-nigauds et parfois comme dans « Vegan Muk bang Eating Show *ASMR*,” l’artiste mange une salade qui ne répond pas simplement aux principes végétaliens… L’agrandissement, le grossissement de chaque vidéo (82 sont diffusés sur Instagram) exigent de la part spectateur aucun recul. Elle induit une circulation dans l’espace surchauffé où l’araignée se dresse afin de jouer avec le voyeur pris comme une mouche dans la toile.
Jean-Paul Gavard-Perret
14:35 Publié dans Femmes, Images, Monde | Lien permanent | Commentaires (0)
Des archives aux voyages : Martin Kollar
Martin Kollar, « Provisional Arrangement », Publié par le Musée de l’Elysée et MACK (Londres) exposition éponyme au Musée de l'Elysée du 21 septembre au 31 décembre 2016.
Pour ce projet, Martin Kollar a arpenté pendant plusieurs mois les routes européennes. Il a parcouru ses archives personnelles dans le but de réunir en un riche corpus son idée de « provisoire ». Le sujet est difficile à traiter visuellement, mais les trente images Provisional Arrangement, explorent la notion de temps où la construction et la déconstruction latente vont de paire.
Ce travail est la concrétisation du projet soumis par Martin Kollar à la première édition du Prix Elysée. Devant la qualité du travail et au-delà d’une bourse et la réalisation d’une publication prévue pour ce prix, le Musée de l’Elysée a décidé de produire une exposition du photographe conçue par Lydia Dorner. Conçu par l’artiste lui-même et par Grégoire Pujade-Lauraine, le livre en représente un autre écrin.
Issu de la Tchécoslovaquie de l’époque communiste l’artiste depuis toujours à la collision entre deux mondes, deux états pour créer des ponts entre eux. Jouant avec le décor le photographe cherche des liens entre le proche et le lointain, l’ornemental et le vivant, le passager et le durable.
Pour Martin Kollar photographier ne revient pas à s’opposer à ce qui est mais de s’opposer à l’illusion. Et ce au nom d’un « vrai » regard. Le photographe voit ce que les autres ne remarquent pas. En des prises fastueuses, sensuelles il ne saisit pas la beauté du monde mais la poétique du temps et ses passages. Situations et paysages entrent en un équilibre toujours parfait mais provisoire.
Jean-Paul Gavard-Perret
10:43 Publié dans Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
02/10/2016
Marie Taillefer revisitée par Thomas Koenig et Mazyar Zarandar
Collectif Rats / Installation – Thomas Koenig + Mazyar Zarandar sur l'oeuvre de Marie Taillefer, LAC Scubadive, 2 octobre 20
Diplômée en 2003 de l’Ecole de photographie de Vevey, Marie Taillefer vit entre Paris et Mexico. Lauréate de nombreux prix le travail de l’artiste est revisité ici par l’installation des deux jeunes talents Thomas Koenig et Mazyar Zarandar pour la dernière soirée de « Lac Scubadive ». Celle qui se dévoile souvent au travers de portraits retouchés (scan, réimpression) qu’elle peint, déchire pour apporter une dimension nouvelle par une seconde numérisation par superposition avec le cliché de base, trouve là une nouvelle « reprise » ou réinterprétation. La recontextualisation joue donc un rôle central dans cette installation qui isole les différentes dynamiques d’un carnet de voyage de Marie Taillefer.
Le matériel de ce carnet est tiré du blog de l’artiste et émerge en une forme d'humour et d'interrogation. Cet "activisme" vient dévier le propos de l'artiste non sans préserver une sorte d'hommage en ce qui devient une narration : en partie énigmatique. Au mystère de la présence première répond l'énigme de l'installation. Devenue prétexte à l'iconographie des deux jeunes artiste la transgression et la subversion de l'"originale" prennent d'autres voies. Ils posent différentes questions : Qu’est ce qu’une image ouvre ? Que devient une œuvre lorsque des "intrus" s’en empare, c’est-à-dire l’agrandissent, la blessent, la renversent et la rehaussent ? Quelle sidération est proposée ?
Jean-Paul Gavard-Perret
16:57 Publié dans Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)