05/12/2018
Livia Gnos : Flux
Livia Gnos, « Kleine Formate », du 8 Décembre 2018 au 12 Janvier 2019, Galerie Carla Renggli, Zug. Kunstmuseum Luzern – Jahresausstellung Zentralschweizer Kunstschaffen jusqu'au 6 janvier 2019
Livia Gnos par d’habiles cadrages et décadrages transforme chacune de ses images en terrier : comme une renarde elle en sort d'étranges lapins abstraits sous formes d'arcs et de rondeurs pour une nouvelle découverte, un agrandissement particulier. Le ressort poétique tient de processus sériés d'un minimalisme particulier. Les répétitions et variations n'ont plus valeur de détonateur, mais d'amorces là après la trace vient la distance à son centre.
Dans un corps à corps avec le support, l'artiste armée de ses armes sommaires (crayons) le griffe afin de créer ce qui tient d'un paysage, d'une scène, d'une abstraction.Cela tient autant d'un espace intérieur qu'extérieur. Un lent travail de méditation fait naître le dessin qui par reproduction et agrandissement s′expose au format de grands panneaux. Il permet de franchir les limites dans l'image" en la poussant dans ses vagues comme indices et marques de sa subsistance.
L'artiste met en tension le silence dans ce qui devient d'étranges chambres mentales. Enlèvent-elles à l'existence toute réalité ? Pas sûr. Les courbes vont partout et nulle part à travers les vibrations qu'elles induisent. L'expression plastique tient à la fois de la concentration et de la dispersion par une esthétique de l'apurement et de la transparence. Dans ses ajours et ses cerceaux l'image échappe aux spectres, aux doubles ou aux copies du monde. Demeurent les seuls référents visuels qui élaborent moins la prise de conscience d'un vide que la suppression, dans l'art, de l'anecdote au profit d'une présence plus essentielle. Il tient au langage plastique lui-même.
Jean-Paul Gavard-Perret
14:57 Publié dans Femmes, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
Frank Habicht - le plaisir qui fascine et le désir qui tue
Les coups de cœur passagers n’étreignent pas seulement une ombre quand Frank Habicht s’en empare. Il y a tenu ses assises photographiques dans le Swinging London en modifiant au besoin le réel, son manteau, sa nudité, ses effluves par le noir et le blanc.
Une approche du plaisir soudain et premier s’empare de ses images. Parfois une belle de jour remonte du fond des nuits dans une tendresse qui fait hurler. A perte d’espace ou dans sa réduction les corps se déplient en divers types « d’avancées » qui firent bouger la culture compassée.
Au modèle qui aurait osé lui dire ; « Si j’ôte mon chemisier que ferais-tu de lui ? Pour lui répondre l'artiste savait alors que rien ne reste à dire mais beaucoup à photographier et surtout le mystère que les corps soudain libres (ou se croyant tels) portaient en eux. Ils s'osent ici dans le noir qui fascine, le blanc qui tue. L’opposition créatrice est constante entre l’infini possible et le néant.
Jean-Paul Gavard-Perret
Frank Habicht, "As it was", Hatje Cantz, Berlin, 2018, 244 p., 50 E..
10:25 Publié dans Culture, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
04/12/2018
Arie Dzierlatka : scènes et conciliabules
"Aline Favre et Arie Dzierlatka - Dessins croisés", Galerie Ligne Treize et Galerie Marianne Brand, Carouge du 8 au 23 décembre 2018
Marié pendant 15 ans à la céramiste Aline Favre Arié Dzierlatka fut musicien et plus occasionnellement dessinateur et illustrateur. Ses musiques de films l'ont fait connaître des cinéphiles. Il travailla avec Rohmer ("L’Amour l’après-midi"), et surtout avec le trio majeur du cinéma suisse romand : Goretta, Soutter, Tanner. Il fut aussi animateur pour les enfants en de célèbres concerts commentés dans les institutions musicales genevoises et des émissions télévisées d’initiation musicale. S’intéressant aux expérimentations électroacoustiques il sut les lier à l'héritage classique.
Les expositions de Carouge permettent de découvrir ses dessins de cet artiste libre. Ils sont aussi provocateurs que sa musique. L'auteur fait preuve d'une fantaisie, d'une drôlerie qu'il ne pouvait pas forcément exprimer dans son oeuvre musicale. Le dessin reste ici ouvert. La perception prend une profondeur au sein des formes et des couleurs de cette expérience-limite. S’éprouve une contradiction entre ce que nous connaissons et ce qui soudain nous est donné de connaître par celui qui ne se prenait pas forcément pour un plasticien.
Arie Dzyierltka ne se souciait pas de "faire oeuvre". Mais, de telles marges, surgissent des parenthèses graphiques, des scènes et conciliabules imprévus. Ils éclatent à la surface sans souci de savoir et de technique. Le jeu des couleurs et des lignes est démultiplié en divers avatars. Emergent de la sorte des vertiges bien plus que des vestiges. L’inconscient y connaît la traversée des frontières à laquelle l'artiste offrit un passage, un transfert. Aux rituels de certitude fait place l’égarement et la transgression. C'est toujours une fête.
Jean-Paul Gavard-Perret
11:19 Publié dans Genève, Images, Musique, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)