26/12/2018
John Custodio et les "sanglots ardents" des ruines paysagères
Traversant les USA John Custodio en a retenu détranges monuments ou vestiges. Il n'est pas le premier à entamer un tel "road movie" en images fixes. Mais chez lui ce que la distance accorde de proximité promet le lointain. En effet, le « réalisme » ou plutôt la figuration rapproche inconsciemment d’une sorte de temps qui n'existe plus. Ou mal.
Dès lors le voyage s'engage dans un processus unique de création. Il reste l'épreuve de la transformation et la transgression du paysage tant par ceux qui ont créé de telles structures que par la manière dont Custodio les fait parler. Existent là les images de pâles survivances. Elles semblent sortir de nulle part au sein de paysages eux-mêmes défaits. Seule la photographie les sauve de leur perte.
Nul sacré néanmoins en ces prises. Elles ne se veulent pas pieuses. Et à peine un diagnostic. Demeurent un effet de dérive et une image au-delà de l'image, une image cherchant le sens de la Présence qui n'existe plus. Les photographies possèdent le pouvoir de transformer des "corps" physiques plutôt vulgaires et comme "naturalisés" en ce qui porte encore et supporte le mystère par la théâtralité des clichés à la séduction paradoxale. Elle remplace une idée du beau par une autre.
Jean-Paul Gavard-Perret
Jihn Custodio, "On the Road Structure", Soho Gallery, New York, janvier 2019.
16:40 Publié dans Culture, Images, Voyages | Lien permanent | Commentaires (0)
24/12/2018
Présence factieuse du paysage - Marion Barat
En choisissant l'image "pauvre" qu'induit le polaroïd, Marion Barat évide une évidence au profit d'une autre : celle que J-L Nacy appelle "l'évidence du distinct, sa distinction même". Dès lors, en se frottant à la seule nature, donc au paysage, la créatrice évite tout écueil de décoration ou d'illustration.
L'image touche à une présence d'un distinct créé par le regard de la photographe et la technique même de l'outil. Perdant en précision et en naturel, celui-ci offre une poésie qui n'appartient plus aux ficelles de la transmission du paysage. D'où une déliaison ou un délié par rapport à la réalité.
Si bien que les oeuvres ne rendent pas la nature visible comme un objet. L'image offre sa totalité par la variation qu'elle opère sur la "chose" vue en décolorant sa surface-peau. Chaque prise est donc un déroutage en dévers des images léchées et scénarisées si fréquentes dans la photographie contemporaine. Par le polaroid l'image semble ici celle "des jours passés" mais - et c'est essentiel - Marion Barat n'y cherche jamais la moindre nostalgie.
Jean-Paul Gavard-Perret
Marion Barat, "Polaroids", Editions Corridor Eléphant, Paris, 2019. Prévente sur le site Corridor Elephant.
19:46 Publié dans Femmes, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
22/12/2018
Delgado et Fuchs : exhibos mais pas trop
Delgado et Fuchs- "Carte Blanche", Centre Culturel Suisse Paris , 17 et 18 janvier 2019, "RUNWAY", Arsenic Lausanne, 19 -24 mars 2019.
Nadine Fuchs est Suisse. Elle a étudié la danse classique et contemporaine à la Schweizerische Ballettberufsschule à Zurich, puis à l’Atelier Rudra Béjart à Lausanne. Marcelo Delgado a passé son enfance dans les quartiers populaires de Bruxelles où il pratiqua pêle-mêle le foot, le full contact, le dessin, les arts plastiques et la mécanique avant de devenir danseur au Conservatoire Royal de Bruxelles tout en travaillant dans un club strip-tease. Le couple s'est rencontré dans la compagnie Nomades en Suisse puis décident de créer leur collectif "Delgado Fuchs".
Ses performances sont sidérantes dans leurs écheveaux sériels, leurs mixages et ruptures. Le tout non sans gravité et radicalisme trivial. Car tout peut s'oser lorsque cela est nécessaire. Rien ne tourne jamais à vide mais grince selon divers points de vue, circulations, vertiges dans un système ouvert à l'échange des pratiques et des pouvoirs partagés. Car le collectif inventé par le couple est transversal tant dans ses techniques (photographie, vidéo, danse) et de ses influences (arts plastiques, mode, littérature). Les deux créateurs restent le noyau de leur collectif au sein duquel se greffent des collaborations selon les projets.
Le travail est axé sur la mise en scène du caractère versatile de l'identité soumise aux multiples modalités de l'être où le mâle pert sa taxinomie suprême. Poussant l’art vers une certaine «dévisagéité» (Beckett), les deux artistes restent néanmoins arrimés au "portrait" en action afin de afin de réanimer le vivant. L’anthropomorphisme subit des «écrasements», des distorsions. Ils donnent au corps presque nu ou chargé en matière une force incontestable pour illustrer divers symptômes. Les deux créateurs ne font pas dans le sensationnalisme ou l’émouvant. Ils brûlent les artefacts pour atteindre le bloc d'inconnu rarement mis à nu avec une telle présence là où des "déformations" évoquent ce qui se cache derrière. Elles mettent à jour un autre fonctionnement de l'art pour toucher des régions secrètes essentielles de qui nous sommes à travers le "jeu" plurivoque. Il passe aussi par l'installation et la musique comme cela sera proposé au CCS puis à Lausanne.
Jean-Paul Gavard-Perret
12:24 Publié dans Culture, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)