26/11/2017
La fièvre monte du tricot – Fanny Viollet
Fanny Viollet en ses « nus rhabillés » se veut culottière. Elle feint d’illustrer la réplique « cachez ce sein qu’on ne saurait voir ». Elle n’en est pas pour autant tartuffe. Le textile devient un appel intense à une autre traversée de la volupté. Celle-ci est souvent plus forte par effet de voile. Le regard vient s’y nicher pour en deviner les mystères.
Suavité et plénitude se tissent afin d’entretenir le secret de manière ludique. Au rose thon de la chair s’adjoignent d’autres tonalités. Elles poussent encore et encore la part inconnue de la subjectivité et de la fièvre. Habillé le corps conserve sa part d’ombre et de lumière. Et Fanny Viollet rappelle que l’intimité, la vraie, ne se « donne » pas facilement.
En effet, le consentement n’est pas le total dans l’abandon. Il faut une résistance pour que la nudité parle par ajouts et ajournements provisoires au moment où regard de l’artiste s'ajoute à celui des peintres qu’elle revisite. Le désir se fait plus rampant. Il faut le deviner. L’être y boit pourtant à une invisible mamelle. Il la recherche d’autant plus qu’elle s’éloigne. Son éclat est plus fort.
Jean-Paul Gavard-Perret
13:06 Publié dans Culture, Femmes, Humour, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
Sarah Cohen : débordements et délicatesses
Sarah Cohen invente une communion cérébrale et une commotion végétale par le jeu des matières et du dessin en divers types de superpositions. Par substrats et « rempotages » d’un genre particulier l’artiste jardine des émotions à sa main par des visions aussi allusives que fabuleuses. Ses semis semblent se planter tout seuls. Pourtant chaque pièce est le fruit d’un long travail afin qu’elle soit purpurine dans l’opulence retenue du geste et de la matière.
L’artiste dépouille les apparences, rejoint un lointain obscur (dont par pudeur elle ne dit rien) pour le délivrer. Les éléments appliqués sur une forme première font moins bâillon qu'ouverture en un exercice de discrétion et les jeux d’ombres et de lumière. Peu à peu la forêt des morts est remplacée par celle d'un vivant en gestation.
La perfection et la précision sont là afin que rien ne blesse et déchire au nom de fondations : tous les appels plaintifs sont métamorphosés dans la coulée, le curetage ou le blanchissement. Des sculptures et des nappes entrouvrent ce que l’artiste n’a pas connu directement mais qui la laisse inconsolable.
Pour autant le « mal » est tenu à distance en une quête de l’absolu comme de l’instant. Il existe toujours une densité, une extension contrôlée là où l’œil fouille l’interne, le silence pour en exhausser des pépites. Entre la force des couleurs sombre de laves ou de totems allongés et la blancheur de formes subtiles et immaculées, les vieux fantômes réactivent non la détresse du passé mais la nostalgie de nouveaux ailleurs. Le tout au sein d’une perfection vers laquelle Sarah Cohen ne cesse de cheminer pour remplacer par les images ce que les mots ne diront jamais.
Sarah Cohen, « Les Points et un point », K's Gallery à Tokyo.
09:46 Publié dans Femmes, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
25/11/2017
Guillaume Dénervaud : ébullescences
Guillaume Dénervaud, « Star 20 », avec une nouvelle de Mark Von Schlegell, Colectif Rats, Editions Star, Vevey, 2017.
A 30 ans, Guillaume Dénervaud, a déjà une belle série d’expositions derrière lui. Notamment au « Hard Hat » de Genève, au « Circuit » de Lausanne et à la Galerie Nicolas Krupp de Bâle. Adepte des grands formats, il est tout aussi capable de créer des dessins plus petits : «Beaucoup de A4 ont vu le jour sur ma table de cuisine ou lors de mes déplacements en train.» Libéré des règles gabarit qu’il utilise comme guides il crée une somme de formes en les combinant d’autres préexistantes. Faisant suite à « Draisine Furtive » (Star 9) son nouveau livre créé avec le graphiste Julien Fischer réunit de nouvelles propositions ébullescentes, effervescentes.
Des traits noirs, appuyés, des ombres plus pâles créent des aplats et des profondeurs inédites et un foisonnement. Le dessin semble en perpétuel mouvement. Il ouvre des fenêtres sur un paysage, étrange végétale, cellulaire à la fois tortueux et drôle. L’artiste semble toujours rompre avec quelque chose - ne serait-ce que le silence. Dans ce qui paraît brouillon et bouillonnement tout est attirant et source d’élan. Un tel exercice ignore l’austérité au sein des formes proposées dans l’harmonie et le discontinu. L’œuvre nourrit le regard de manière intempestive mais délicate.
De tels intermezzos sont tout sauf des mascarades. La radicalité se mêle à la momerie. Et un vent neuf souffle, là où tout circule, s’assouplit, semble à l’aise. Demeure une agilité volubile, une existence dissolue et une « punch » particulier entre échappements et retours.
Jean-Paul Gavard-Perret
11:02 Publié dans Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)