11/06/2018
Andreas Hochuli : re-formulation
Andreas Hochuli, « Réformes », galerie Heinzer Reszler, du 22 juin au 25 juillet 2018.
Andreas Hochuli mixe la puissance d’analyse à la créativité dans un art fractal. Aux harmonies subtiles et doucereuses il préfère les effets de pans énergisants par les messages qu’ils recèlent mais aussi par la manière de les « monter ».
L’artiste propose des interventions critiques où ces messages n’ont rien de direct. Au regardeur de le reconstruire et le réinterpréter. Et le titre « Réformes » n’est pas innocent. Il faut le comprendre autant dans son sens général (re-former la peinture) que quasiment religieux (réformer l’image).
Sélectionnant parfois des éléments visuels sur divers supports il les retravaille ensuite sur un logiciel de traitement d’image et les intègre au tableau par des aplats au pochoir, en composantes visuelles et textuelles. Un tel art conceptuel multiplie en lui-même ses propres commentaires. Néanmoins au didactisme est préféré la liberté. Rien n’y est plombé par la pesanteur d'un discours marqué idéologiquement même si Hochuli fait de son art une arme « politique ».
Jean-Paul Gavard-Perret
12:01 Publié dans Images, Résistance, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
Todd James : farces et attrapes
La peinture de Todd James possède l'éclat de ses formes et surtout de ses couleurs. Elle garde en elle ses propres murmures et ses exigences, ignore les angles, cultive l'intensité au sein de narration sous forme d'évocation pleine d'humour. Des êtres y apparaissent, lascifs ou presque, au milieu des objets. Existe des sortes de fêtes désinvoltes ouvertes aux rythmes en cascades. La peinture désenveloppe les brumes. Cela prend le cœur ou et surtout les sens au sein d'une figuration très particulière : celle d’une quasi abstraction lumineuse qui revitalise le monde.
Sa texture en devient lisible dans des éclats riches de tous les possibles. L’émotion est sublimée en un espace lyrique où les injonctions de lumière laissent apparaître un univers ouvert par des formes insoupçonnées. Contre l’obscur jaillit la fraîcheur inespérée de l’envol. Todd James arrache à la fixité et présente un règne de vibrations de plages de lumière à l’état diffracté à partir d’un cœur coloré de multiples facettes et lignes.
En émerge une montée par amorce de l’ouvert. Une joie de la présence au monde est omniprésente. Au descriptif l'artiste préfère éclats. Il rappelle qu’il ne faut pas chercher le rapprochement d'un "original" mais trouver sa mutation; le réel l’image est démonté afin que son langage parle autrement.
Jean-Paul Gavard-Perret
11:13 Publié dans Humour, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
10/06/2018
Jacques Henri Lartigue à l’Elysée : un prince en son royaume
Jacques Henri Lartigue, « La vie en couleurs », Musée de l’Elysée, Lausanne, du 30 mai au 23 septembre 2018.
Ce n’est seulement dans les années 60 que le travail de Jacques Henri Lartigue fut enfin reconnu. Aux États-Unis d’abord (aussi bien au MoMa que dans un numéro historique du magazine Life consacré au décès de Kennedy). Pour cette raison l’influence de Lartigue (disparu en 1966) a été reconnue bien trop tardivement. Pourtant ce que tant de « professionnels » de cet art cherchaient Lartigue le trouva, enfant et dès le début du siècle de manière intuitive. Armé du beau cadeau paternel il en fait un bon usage qui ne se démentira jamais.
Fidèle à ce qu’il affirma - « Je pense que j'ai tenu la promesse que je me suis faite le jour où papa m’a donné mon premier appareil. J'ai tenté de tout photographier, de tout raconter. », il a su fixer les moments de son quotidien, leur fragilité. Pour chaque époque un Leica Rolleiflex ou un autre appareil mais toujours avec le même enthousiasme juvénile et rafraîchissant. Il fut un pionnier de la photographie couleur à l’époque où elle n’était pas de mise. Il la traita de manière quasiment picturale avant de se laisser aller à la liberté et l’humour. Aux autochromes de ses débuts, succèdent les Kodachromes Ektachromes qui le firent reconnaître par ses pairs. Tout pour lui devient objet d’extase quotidienne : les vacances à la neige, une aube à la campagne, un bouquet de fleurs, sa femme Florette (son sujet fétiche).
L’exposition de l’Elysée permet de découvrir une partie inédite de l’œuvre. Celle de la couleur. Le Musée reprend en la revisitant superbement l’exposition conçue par Martine d’Astier et Martine Ravache en France en 2015. La version lausannoise de ce projet intègre un grand nombre d’œuvres inédites et met en relief le lien que l’artiste créa toujours entre ses notes, ses dessins et ses photographies. La nature comme la vie des riches ou des classes plus populaires sont présentes dans ce qui tient pour le spectateur d’un ravissement et peut-être d’une surprise. Preuve que l’oublié de jadis est devenu un retrouvé magnifique.
Jean-Paul Gavard-Perret
17:44 Publié dans Culture, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)