29/08/2018
Zaric l’enchanteur nuancé
Zaric, Espace Arlaud, Lausanne, du 7 septembre au 11 novembre 2018.
Zaric est un sculpteur majeur. Il poursuit une suite de « rituels de transfiguration » en passant par le modelage de la glaise (tirée de la glaisière de Pantin que Rodin et Brancusi utilisèrent avant lui) puis le moulage afin que le ciment ou le béton épouse « la mémoire en creux », la métamorphose avant que le sculpteur devenu chaman extirpe ses chrysalides de leur cocon. Demeurent souvent dans le montage de ses pièces ce qu’il nomme des « scarifications ». Elles peuvent être prises pour des accidents mais demeurent lourdes de sens. Elles permettent de faire le jeu d’un espace ou plutôt d’un volume où les divisions animal/homme, zoomorphisme/anthropomorphisme deviennent floues.
De telles oeuvres font réfléchir sur la notion même de « nature ». L’art n’est plus là pour nous faire passer du fantasme à son reflet imité. Il est l’autre que nous ne pouvons oublier : l’autre semblable et frère qui prend figure de bêtes, où jouent dans un humour terrible les compulsions de vie et de mort. L'art devient avant tout un acte de puissance mais surtout de jouissance au sein même d’éléments qui créent une nouvelle mythologie. L’artiste y rapproche l’esthétique antique du monde d’aujourd’hui le tout avec un mélange d’ironie et d’enchantement.
Plus question de trouver le moindre confort. Ce qui jaillit des œuvres semble provenir directement de la matière et non du discours événementiel qu’elles “ illustreraient ”. Rien d’anecdotique en effet chez l’artiste : émerge une horreur mélancolique mais aussi une drôlerie en ce que la sculpture possède soudain d'avènementiel en une forme d’entente tacite avec la vie. Zaric en souligne la violence, la vanité, la perte et un certain espoir. Nous y sommes non invités mais jetés comme s’il fallait préférer la douleur du crépuscule à la splendeur du jour.
Jean-Paul Gavard-Perret
17:37 Publié dans Humour, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
Mathieu Bernard-Reymond et les contre-images
Mathieu Bernard-Reymond « La flèche du temps », Galerie Heinzer Reszler, Lausanne, Du 7 septembre au 13 octobre 2018.
Mêlant la tradition argentique à la technologie numérique, Mathieu Bernard-Reymond propose ses univers étranges, grandioses, inquiétants, un rien mélancolique. Il poursuit à Lausanne ses "Mondes possibles" dont les premiers indices furent présentés au musée Nicéphore Niepce de Chalon sur Saône. S’intéressant à la notion de production et de transformation il part de photographies « documentaires » pour les retoucher et les manipuler et les éloigner de la photographie « de reportage » pour les pousser du côté de l’abstraction entre les deux infinis pascaliens.
Se crée une interaction entre enregistrement du réel et son interprétation artistique complexe en ce qui peut faire penser parfois à des collages implicites par l’utilisation des logiciels de traitement d’image et leurs algorithmes. L’artiste compose des environnements imaginaires, des mondes possibles, au moment même où notre époque tend à confondre réel et virtuel. Les « trucages » génèrent l’impression de vides ou d’arrêts au sein de lieux désertés où les personnages (lorsqu’ils sont là) semblent avoir démissionné.
Mathieu Bernard-Reymond rappelle combien nous vivons dans l’ère de l’écran et ses éclats médiatiques « officiels » jusque dans l’aire du ludique qui perd sa force d’imaginaire. Contre ces visions l’artiste oppose ses contre-images afin de lutter contre les déformations volontaires. Par ses fenêtres et ce qu’un critique a appelé un « land art fictif », soudain les imaginations mortes imaginent encore grâce à la magie du créateur. Aux bijoux ravis par les médias il ravit de ses propres joyaux à l’épreuve comme à la flèche du temps.
Jean-Paul Gavard-Perret
10:53 Publié dans Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
28/08/2018
Eva Szombat la première des femmes
Eva Szombat ne retient du réel que le sens de la vie quelque en soit la nature mais sous le seul sens de l’alacrité. Se moquant des beautés et des pauses classiques la photographe met la vie en rose là même ou des plis existent. Pas question de voir dedans : en jouir suffit sans se soucier d’éventuelles failles. Et si elles rodent c’est peut-être là que niche un bonheur.
Remède contre la tristesse, tout ici est musique. Les instruments pour la jouer ne sont pas obligatoires. Sauter sur un lit, le clapotis d’un corps replet, un toutou qui se demande ce qu’il fait là suffisent pour qu’émergent des essieux de temps non des crissements mais des sérénades.
Dans leurs fragrances sans chichis de telles photographies se dégustent. Elles donnent le pouvoir de rêver du (bon) temps. Qu’importe les contextes de certains errements. Soudain les démons s’assoupissent. Nulle question de demander pardon : le péché n’existe plus, n’existe pas. Le corps sort des étouffements, exulte, tel qu’il est
Jean-Paul Gavard-Perret
Pour voir les œuvres : cite de l’artiste et à paraître catalogue « Thirty Three » (sur la photographie hongroise), Hatje Cantz, Berlin.
15:47 Publié dans Femmes, Humour, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)