22/09/2018
Jane Ward du chromo au féerique
Jane Ward, « In These Solitudes -Travaux récents », Galerie le Salon Vert, Genève.
A la croisée de la photographie, de la peinture et des techniques numériques, l’artiste anglaise Jane Ward après sa résidence à Trélex (Vaud) au mois de septembre présente à Genève ses nouvelles œuvres paysagères.
Au départ il y a le chromo dans tout ce qu’il peut sembler surfait et kitsch. Mais l’artiste ne s’arrête pas en si mauvais chemin. Elle transforme les histoires de goût douteux en féeries fabuleuses et glacées où le regard se perd.
L’image se métamorphose. Ses turbulences nous guettent. Si bien que les paysages basiques sont repensés là où la feinte de réalité ne se pose pas sur le regard comme la vermine sur notre dos. Jane Ward la réveille par les « termes » d’un espace dont l’instrumentalisation primaire est renvoyée aux calendes grecques. A nous d’en faire bon usage et de nous laisser emporter.
Jean-Paul Gavard-Perret
20:09 Publié dans Femmes, Fiction, Genève, Images, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
Jacques Cauda : le voyou magnifique
Jacques Cauda ose tout. Même ce qui ne peut être répété par les âmes bien nées. Elles ne se permetteraient pas de rappeler ce que le peintre et artiste affirme. A savoir que son esthétique est celle de la "séduction peindrebaiser". Cette pratique d'une bijection et d'une communauté plus ou moins inavouable oblige la petite culotte des femmes à tomber comme un cadavre sur le parquet de l'atelier avant que le pinceau de l'artiste - ou un ustensile plus veiné noeud - puisse les honorer par le nouveau Balzac.
Mais plus sérieusement (pas forcément d'ailleurs) Cauda rappelle que la nature de la couleur est affaire de longueurs d'onde. Il précise comment la matière les concocte. C'est précis, théoriquement juste et pourtant quasiment inédit. Mais Cauda a beau chasser son naturel primesautier : il revient au galop. Né non par le siège papal mais par l'oreille parturiente, l'artiste opte au besoin pour une dimension violence afin d'illustrer sa fabrique des images. Dans son atelier il joue le Satan en sarabande, il vole sur la viande qui le tient par une faim de loup lubrique.
On comprendra que cet interview demeure à la vérité ce que Michel Onfray est à la philosophie ou le ténia à l'âme. Mais c'est ainsi qu'il nous faut aimer Cauda : non comme sa Geneviève dont l'abdomen jaune encerclé de noir ne manque pas de piquant, mais comme adeptes d'une culture où le doigt divin n'a plus rien à faire. Comme lui préférons celui du Calva qui rend l'artiste plus Had Hoc que Tournesol. Sa Letitia Castafiore, experte en tout, le monte au rang d' âme Capone et d'Al chimiste. Elle sait qu'il reste l'apôtre démoniaque de la "Surfiguration" dont Vénus est l'aile des désirs mais aussi le pilon.
Jean-Paul Gavard-Perret
Jacques Cauda, "La te Lier", Z4 éditions, 2018. Et "Dimension violences", collectif, Rivière Blanche Black Coat Press, 2018.
09:59 Publié dans Humour, Images, Lettres, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
21/09/2018
Julian Charrière : les chimères contaminées
Julian Charrière, « Second Suns », Hatje Cantz, Berlin, 2018, 144 p., 50 E.
Julian Charrière prend la Terre comme terrain d'investigation. Qu'il rassemble du sable provenant des États reconnus par l'ONU ou des prélèvements issus des plus longs fleuves du monde, qu'il réalise des performances solitaires en Éthiopie ou en Islande, il joue avec la géologie, la science et l'architecture.
A la recherche d’un imaginaire collectif l’artiste suisse fonde ses recherches pour le futur sur le passé. Avec « Second Suns » son dernier livre et grâce à un procédé optique il explore les paysages post nucléaire de l’île de Bikini où eurent lieux les explosions expérimentales américaines comme ceux de Semy au Kazakhstan où se firent leurs équivalences soviétiques. Il s’agit pour l'artiste d’approfondir l’influence des hommes sur la terre. Ses œuvres rendent perceptible l'impact de tels « chocs » sur les objets. Le créateur infiltre des éléments perturbateurs dans des images. Elles sont ici éloignées de notre compréhension ordinaire. Nos sommes portés vers une nouvelle perception énigmatique.
Charrière évoque par son travail quelque chose qui a commencé et qui ne s’arrêtera peut-être jamais et qui est l’histoire d’une mort annoncée même si elle trouve ici de merveilleuses images. L’image, en dépit de ses charmes, n’est plus le désir, la matrice, le temps du désir. Elle génère le tonnerre, la tempête et les illusions d’une « sagesse » qui met à mal la primordiale. La Mère de l’immense terre cosmique se retrouve ainsi célébrée mais de manière contaminée et malade.
Jean-Paul Gavard-Perret
14:53 Publié dans Culture, Images, Monde, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)