29/03/2019
C.Q.Q.O.V.O. : mais où est donc ornicar ?
"C'est Quand qu'on va où ?" , Théatricul, Chêne-Bourg, du 26 mars au 2 avril 2019.
Cecile Xambeu et la compagnie C.Q.Q.O.V.O. poursuit sa route à travers un spectacle au titre éponyme emprunté au chanteur Renaud : "Dans un café, le poète Georges Haldas vient fumer son cigare et raconter ses légendes. Pendant ce temps, des personnages de Rimbaud, de Boris Vian, de Jacques Prévert, de Jean-Marie Gourio et d’autres apparaissent le temps d’un éclat de voix ou d’un aveu". Il y a là les fameuses "Brèves de comptoir" de Gourio transformés en Haïkus comme fil rouge à bien des rêveries farcesques mais profondes.
Les textes courts mis en scène et "oralisés" par Cécile Xambeu dilatent le temps. D'autant que la musique est là pour les prolonger et les animer. Oriane Joubert au piano et Lucas Duclos aux percussions habillent les textes. La comédienne (elle même poétesse) et les musiciens se permettent tout : l'une divague sciemment, les deux instrumentistes s'osent à des variations intempestives autant sur du rock expérimental que Ravel, Fauré, entre autres. Le seul privilège revendiqué est celui de la liberté au sein de cette ruche qui ignore les faux bourdons.
Une telle création musicale et poétique rapproche l'art populaire et l'art savant. Les vibrations organiques de la musique et de la voix évitent toute mentalisation appuyée au profit de l'émotion. Parfois le texte est premier, mais parfois la musique prend le pas sur lui. Les deux se complètent et se répondent pour une fête où tout (ou presque) est permis : ceux qui ne sont pas d'accord avec la troupe peuvent néanmoins faire partie de son "orchestre". Il convient de se laisser prendre et se réjouir sans modération.
Jean-Paul Gavard-Perret
11:30 Publié dans Genève, Humour, Images, Lettres, Suisse | Lien permanent | Commentaires (1)
28/03/2019
De l'ombre à la lumière : Michèle Katz
Dans chacune des oeuvres de Michele Katz une réfraction et effraction ont lieu. Leur saut précède le temps et l’anticipe en s'appuyant sur un passé souvent douloureux mais sensuel tout autant. L'artiste unit dans des masses colorées une figuration unique. Au frottement des "outils" sur la toile qu’est-ce qui se libère sinon l’inaltérable arraché ?
Dans le compact amas des corps jaillissent les myriades de formes, les courbes de l’anneau des survivances. On peut, la chute dans l’anneau. Ellipse et trajectoire inachevées. Absence, absence. Fontaine des clairvoyants. Les tourbillons de corps et de corpuscules retiennent la chute.
Pour la ressemblance qui grandit à mesure que Michèle Katz s'éloigne de la représentation. L'oeuvre peut l'absorber toujours plus afin de l'ouvrir au cœur du ravin et de la braise des sacrifiés. Sœur secrète des sans nom de l’Histoire, l'oeuvre fait retentir une foule là où paradoxalement la solitude règne et pèse dans les affaissements de terrain des toiles, dans la syncope immense des corps. L'artiste y inscrit toute la nuit et toute la lumière afin que l’art remplace les mots et devienne la phrase totale.
Jean-Paul Gavard-Perret
Michèle Katz, "Corps à corps", Expo Montmartre, 30 rue des Trois frères, Paris XVIIIème, du 17 au 31 mai 2019.
12:29 Publié dans Culture, Femmes, Images | Lien permanent | Commentaires (2)
27/03/2019
Willy Spiller et Fred Mayer : Zurich, années 70
Willy Spiller "Zurich 1967-1976", Fred Mayer, "Le Zurcher 1971" Bildhalle, Zurich du 28 mars au 11 mai. Livre "Willy Spiller "Zurich 1967-1976", Editions Bidhallle, 2019, 200 p..
Cette double exposition présente la ville de Zurich et ses habitants au cours de la décennie 1967 - 976, au moment où les revendications de la jeunesse et la révolution sexuelle battaient leur plein, affrontaient et affolaient la morale bourgeoise. Willy Spiller et Fred Mayer proposent certains de leurs célèbres clichés témoins absurdes et intenses de cette époque.
Le premier photojournaliste international, a capté des célébrités suisses et internationales au cours de ces années les plus mouvementées (dont Alfred Hitchcock présent ici). Fred Mayer propose des tirages de sa série "Zürcher Panoptikum", publiée à l’origine dans l’édition de week-end du "Neuen Zürcher Zeitung" en 1972, accompagnée d’un texte de Hugo Lötscher.
Zurich se retrouve ici dans tous ses états : la ville semble brute, sauvage, mais tout autant conservatrice et sexiste. Les deux photographes ont su exprimer ses zones grises où deux sociétés coexistaient tant bien que mal. Tout est saisi avec un regard amusé, complice et complexe.
Les voyous" sont plutôt tendres et les "réactionnaires" débonnaires. Tout un monde - souvent aujourd'hui disparu - s'agite : il y a là des éditeurs, des artistes, des balayeurs, des livreurs de bière, des chaudronniers mais aussi des trainards qui parfois sortaient de la rue pour rejoindre le temps d'une pose le sudio de Mayer au moment où Spiller les saisissait au sein du décor urbain. Chaque fois c'est moins la discorde que le plaisir de liberté qui est au rendez-vous dans une fête hybride et renaissante grâce à cette exposition.
Jean-Paul Gavard-Perret
17:08 Publié dans Culture, Histoire, Images, Société - People, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)