01/05/2019
Le minimalisme merveilleux de Julie Brand
Julie Brand, "les lents arpenteurs", galerie Ligne Treize, Carouge, du 2 au 26 mai 2019.
Julie Brand propose à la galerie Ligne Treize un pan peu connu de sa création toujours atypique. Revenant aux racines de l'art (le dessin) elle crée un univers de lignes pures aux figurations aussi simples qu'originales. Son graphisme - issu de sa formation de designer - propose un univers où le juste retour des "choses" vient à bout du rêve selon un réalisme très particulier.
Chaque œuvre délimite un étrange espace choréïque. Rien de ce qui est habituellement "exploitable" en tant qu'image est utilisé. Chaque dessin reste proche d'un conceptualisme éloigné de l'ornementation. Tout se montre avec pudeur et sans provocation dans un mouvement de pénétration et d'interrogation. D'une succession de présences surgit un émoi particulier à la surface du support. Dans le morcellement se crée un double jeu des formes. Où tout finit. Où tout commence. La force fascinante ne cherche ni à agresser, ni à séduire : elle parle du dehors, du dedans, de l'envers et de l'endroit.
Nous passons d'une épreuve purement physique à une épreuve mentale et qui doit rester comme telle. Sans idéalisme marqué l'artiste ne met pas le monde sans dessus dessous. Elle ne l'endort pas pour autant. Demeure le tonus discret d'un merveilleux minimaliste entre précision et indécision. Le dessin échappe à l'uniformité : il éclaire la conscience. N'est-ce pas le meilleur moyen de parvenir à la connaissance de qui ou de si nous sommes en un jeu de traces ?
J-P Gavard-Perret
08:35 Publié dans Femmes, Genève, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
29/04/2019
Monique Mercerat : cahiers de l'obscur - voir dedans.

Joseph Farine, directeur de la galerie Andata/Ritorno, permet de présenter l'oeuvre de Monique Mercerat créée au rotring sur des feuilles de papier. Les compositions, aux structures précises et complexes, témoignent d’un art de la "broderie" à l'espace saturé dans un certain esprit "art brut" auquel ce travail peut être rattaché.
Née en 1944 à Courgenay dans le Jura, Monique Mercerat est atteinte d’une malformation de naissance. Sa vie est ponctuées de séjours à l’hôpital ou chez ses parents. Après leurs décès elle est accueillie chez sa sœur à Genève et intègre, en 2011, la Fondation Aigues-Vertes, où elle vit aujourd’hui et dessine régulièrement dans sa chambre, ainsi qu’à la Fondation Cap Loisirs. Ici, elle est accompagnée par Nicole Reimann, responsable culturelle de l’espace34, qui conserve et archive ses dessins depuis de nombreuses années.
Monique Mercerat trouve refuge et réconfort dans le dessin. Elle y développe un univers onirique dans lequel se distinguent des paysages familiers (sapins, chalets, trains, etc.). Existent des transferts, des rattachements, des isolations en des mouvements liés à l'essieu du rotring. L'image se multiplie mais où la scène reste vide. Quelque chose bée puis se scelle. Des traces se sont réfugiées dans la page surpeuplée pour exhaler sans le trahir ce que l'artiste - et pourquoi pas nous mêmes - avons sur le coeur. Elles sont aussi des vieux songes qui reviennent - frais comme des gardons en une traque de signes et griffures - vers la première image et le trou noir dedans, comme miroir de la nuit par cette fenêtre du support (fermée-ouverte). L'encre n'est plus la graphie sur le blanc mais la biffure dans le noir. Les traces vibrent d'un bourdonnement d'insectes mais d'insectes qui ne disparaitraient pas lorsque la lampe s'éteint.
Jean-Paul Gavard-Perret
11:12 Publié dans Femmes, Genève, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
28/04/2019
Doris Pache ou les commentaires de l'invisible
Doris Pache, "Silence des couleurs", Galerie Anton Meier, Genève, du 2 mai au 28 juin 2019.
D'apparence formaliste Doris Pache est une technicienne formidable mais surtout une "mentaliste" qui n'abandonne jamais l'émotion. L'artiste semble peindre à l'aquarelle comme à l'huile et à l'huile comme à l'aquarelle afin de créer - de fait a tempera sur toile - une manière d'accrocher la lumière par effet de soyeux.
A de rares exceptions plus "réalistes", regarder ce travail revient à s'aventurer dans une peinture des confins. D'autant que dans ses oeuvres récentes quasi monochromiques aux "paysages" nus, Doris Pache suvertit la notion de narration, de réalisme ou d'abstraction. La sensualité est présente mais de manière métaphysique et ineffable. Chaque toile de la Lausannoise nous plonge dans des moments ou des lieux incertains, flous, troubles mais indéniablement sources d'apaisement. Elle devient un poème, une sorte d’uchronie plastique.
Nous sommes à la fois dans un ici ou ailleurs : l’infini y court toujours. Le paysage est sans contour, sans limite ni description et n’admet ni parenté ni cause. Il est comme un loup ou un ange blanc. Il ne cesse de s’étendre. Divisant le monde il crée des âmes dans la profondeur de l’air. C’est un miroir de métal blanc qui résiste à tout effacement. Le calme s’y fait étrange. La forme devient le vêtement arrêté qui à peine enlevé ou élevé fait énigme là où toute densité se métamophose en fluidité.
Jean-Paul Gavard-Perret
14:52 Publié dans Femmes, Genève, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)