05/11/2019
Tania Franco Klein : les solitaires absolues
Tania Franco Klein mêle les éléments de sa psyché personnelle au quotidien d'une société (américaine) qu'elle revisite loin d'un brouet dispendieux qui ramènerait l'image à de l'autofiction. Se pénètre un monde de solitude absolue dans un monde où en théorie tout est fait pour le plaisir.
En conséquence l’érotisme se transforme en un ésotérisme fractal. Il donne à l’intimité une face nouvelle. A travers elle la photographe ouvre des interrogations là où elle feint d’offrir que des états de constatation. L'artiste scénarise des instants qui ramène à un présent collectif et comme privé d'avenir dans lequel la question de l’identité reste une énigme.
Ne sortant jamais du contexte de la quotidienneté le livre dans sa propension onirique devient une spéculation. Il permet de retrouver l’être profond voué à une attente perpétuelle. Se saisit ce qui se dérobe, se suspend voire se détruit là où n'existe même plus d’appel à l’autre comme complément de l'identité.
Jean-Paul Gavard-Perret
Tania Franco Klein, "Positive Disintegration", (Limited Edition 500 copies), 2019, 240 E., voir site de l'artiste
10:27 Publié dans Femmes, Images, Monde | Lien permanent | Commentaires (0)
04/11/2019
Thieri Foulc : étrange rumba du pinceau et du rire
Thieri Foulc est autant érudit qu'iconoclaste. Les plus sérieux parmi nous se reporteront aux travaux de recherche de celui qui fut le "Provéditeur-Editeur Général du Collège de Pataphysique". Pour les autres, et afin d'apprécier le natif de Tataouine, il suffira de se reporter au livre de la collection "Ecrits d'artistes" même si ceux du créateur dépassent cette dénomination.
En effet il s'agit plutôt d'un "écrit-artiste" : l'auteur y troque le pinceau, la brosse et autres ustensiles pour le crayon ou le stylo à billes. Existent donc des projets de non-tableaux, des esquisses descriptives parfois accompagnées de schémas sommaires, des traitements neufs de motifs éculés, etc..
L'humour pince sans rire de "l'artiste" donne à l'imaginaire créatif plusieurs types de plongeons dans le vide. Il est d'ailleurs question de plongeoir dans ce livre puisque dit-il "sa question est fondamentale". Il faut le croire - faute d'images - sur paroles. Ce dont nous nous priverons pas. Et à ceux de Hockney nous préférerons les "bigger splash" de l'histrion farceur. Mais pas que. Il nous enduit non de peinture mais de ce qu'elle suggère puisqu'elle brille (et comme jamais) de son absence. C'est un régal.
Jean-Paul Gavard-Perret
Thieri Foulc, "Peintures non peintes", L'Atelier Contemporain, Strasbourg, 2019, 192 p., 25 E..
15:27 Publié dans France, Humour, Images, Lettres, Suisse | Lien permanent | Commentaires (2)
Manon Gignoux : éloge du vide
Les femmes de Manon Gignoux ne sont plus traversées par l’ondoiement de tissus. Mais ce qui couvrait (jusque là) ne dévoile plus rien. Et pour cause. Reste sans doute l’effet civilisateur du vêtement. Mais il demeure volontairement "sans effet".
Loin des tréfonds obscurs peut s'y chercher l’image d’une autre femme, qu’on aurait côtoyée peut-être du moins rêvée à l'évidence. Surgit aussi le regard ambigu sur le statut non moins ambigu de la féminité dans une société avide toujours de cloisonnements et de pérennité.
L'artiste nous donne à voir le travail de sape salutaire à la vraie liberté. Celle qui fonde et qui brise, celle qui - révélée - tend à occuper tout l’espace et faire le vide autour de soi - parfois pour mieux et paradoxalement se rapprocher de l’autre. La femme n'est pas plus contrainte à une nudité qu'à l'exhibition de ce qui l'enrobe. Les vêtements abandonnés ne suggèrent aucune inflorescence qui la prolongerait et l’isolerait. C'est comme une stance surréaliste qui cerne de pudiques fioritures un sentiment trop humain.
Jean-Paul Gavard-Perret
Manon Gignoux, Eponyme, Derrière la salle de bains, Rouen, 2019, 5 E.
11:10 Publié dans Culture, Femmes, Images, Résistance, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)