07/04/2018
Christophe Esnault : apports essentiels aux coups de pied au cœur et dans le fondement
Ethique, symbolique, référencé, pragmatique et surtout farcesque ce livre somme n’a rien d’assommant. Bien au contraire il offre bien des régénérescences en tordant le cou à la littérature qui ne câline que là où le pathos gêne. L’auteur n’y va pas de mains mortes pour gifler les séducteurs. intéressés à plaire aux têtes de pioches. Celles-ci trouvent dans l’ennui qu'ils sèment le plus sûr garant à leurs inaltérables flops.
La culture n’est pas ici ce qui reste après ce que tous les auteurs font dégouliner dessus. La performance est d’un autre ordre et ne répond en rien à des intérêts de stratégie économique. Bref c’est du Dreyer mais façon clownesque. Exit les niaiseries psychologiques ou de tout autre acabit. L’auteur y reste proche des femmes de haute volée (Unica Zurn, Sarah Kane, Sophie Calle, Anaïs Nin) plus que les pétomanes du logos aux tristes blagues.
Christope Esnault leur dit son fait et tous y passent (à l’exception de Blanchot, Beckett et de quelques autres). La fanfaronnade est dadaïste : elle évite la comédie surréaliste. L’auteur permet ainsi dans les livres qu’il n’a pas (encore) écrit de prouver l’essentiel. A savoir que « respirer c’est déjà cautionner un système » : ce qui n’empêche pas « la pratique de la levrette et autres festivités ». Histoire au moins de sauver ce qui peut l’être. A bonnes entendeuses et bons entendeurs, salut.
Jean-Paul Gavard-Perret
Christophe Esnault, «Mordre l’essentiel », Tindbad Poésie, Editions Tindbad, Paris, 2018, 334 p., 26 e. . Sortie le 5 mai 2018.
10:10 Publié dans Humour, Lettres, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
04/04/2018
Torbjørn Rødland : l’ancien et la nouvelle
Les photographies de Torbjørn Rødland sont des fleurs inattendues, des glaïeuls incendiaires mais toujours subtils. Le photographe ordonne le monde mais comme s’il repassait par un certain chaos pour lui accorder une nouvelle chance
Il arrive que certaines femmes soient « les très chères » de Baudelaire qui ne gardent que « leurs bijoux sonores ». Mais d’autres - comme le photographe lui-même - cultivent l’aporie jusqu’à l’humour. Elles sont même prêtes à donner leurs cheveux pour que les Trump se prennent pour des Beatles.
C’est dire si les femmes se moquent des pouvoirs. Sans doutes parce qu’elles gardent celui de rester érigées. Mais l'homme est voué à "l'alternance incompréhensible" (P. Quignard). C'est pourquoi le pouvoir est un problème masculin. Il caractérise sa fragilité, sa faiblesse, son anxiété. A l'image de son éjaculation dont la volupté est une perte. Ce qui en résulte est tristesse et tarissement sauf si Torbjørn Rødland - passant par là - les sublime.
Jean-Paul Gavard-Perret
Torbjørn Rødland, The Touch That Made You », Fondazione Prada, Milan.
21:08 Publié dans Culture, Humour, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
Parker Day : icônes au bord de la crise de nerfs
Parker Day ne fait pas dans la finesse même lorsque ses égéries portent des robes de fête qui ressemblent à des déguisements carnavalesques. Aux brindilles de la mode font place des Fifi Brindacier. Mais les divers masques clownesques soulignent des identités transversales. Elles font passer le réel avant la réalité, soulignent l’objet introuvable d’un désir affiché qui troue la pensée dans la marée des grimages.
La photographe par ce biais parle toujours sinon d’amour au moins du plaisir. Celui de la transgression d’abord. Mais pas seulement. Chaque prise est un bond sans cesse renouvelé au fond de personnages que l’artiste contacte (souvent sur Instagram) et rencontre pour ses séances de prises de vue.
Les volontaires de tous les sexes ne cherchent pas à se dérober à l’attraction qu’ils peuvent suggérer. A l’inverse ils la provoquent. Mais leur coup du charme est on ne peut plus hétérodoxe. Il n’a rien à voir avec celui que chantait Elvis Presley chez RCA dans les années 60. La sidération remplace l’évidence et déverrouille l’espace soudain beaucoup plus large que le corps lui-même. La femme était statue : elle devient sirène bleutée. L’homme - transversal ou non - idem.
Jean-Paul Gavard-Perrer
13:40 Publié dans Humour, Images, Résistance, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)