03/03/2019
Anne Libby : poésie verticale
Anne Libby, exposition, galerie Ribordy-Thetaz, Genève, du 5 avril au 10 mai 2019.
La galerie Ribordy-Thetaz de Genève propose - sauf erreur - la première exposition européenne en solo de la sculptrice américaine Anne Libby. Son œuvre a fait l'objet de nombreuses expositions personnelles aux USA et elle a également participé à un grand nombre d'expositions collectives à travers le monde mais l'Europe la boudait.
L’artiste à travers ses recherches évite de prendre le monde pour ce qu'il est. Elle monte et agence en lieu et place de cadres et totems d'un baroque inédit en inox et autres métaux ou matières. L'élévation du mémorial est non penché sur le passé mais perche le futur. L'abstraction crée une forme d'espoir fondé sur diverses structures impérieuses et originales afin de prolonger l'aventure humaine et de la sculpture.
De telles préhensions hâtent le lever d'un soleil, réconcilie le ciel et la terre en parapets, armures abstraites, portes magiques, jeux de construction et assemblages. Ils deviennent des ponts verticaux. Ils ressemblent à des jets qui ne retombent pas, des ailes qui ne s'usent nullement et se fatiguent jamais. L'artiste remet ainsi de l'ordre dans les valeurs de la vie. La puissance tient par le fer à l'allègement et pour pénible que soit l'attente une aube pointe.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:03 Publié dans Culture, Femmes, Genève, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
01/03/2019
John Berger : histoire de la peinture
Avant ses essais de critique d’art dont "Voir le Voir" où s’élabore une conception matérialiste de la vision, ses textes sur le monde rural, la contribution en tant que scénariste aux films d’Alain Tanner ("La Salamandre", "Le Milieu du Monde", "Jonas"), sa fiction qui lui permit d'obtenir le Booker Prize ("G"), puis "King", le roman d’un SDF raconté par son chien ou encore des recueils comme "Fidèle au rendez-vous", l'écrivain dans "Un peintre de notre temps" montrait déjà tout son engagement.
Il est enfin réédité. Le personnage est un peintre hongrois à l’époque stalinienne qui s'exile à Londres. Travaillant sur son projet, John Berger avait déclaré ne pas savoir si son livre serait considéré comme un essai, un roman, un traité, un cauchemar tant le critique d’art, le romancier et l’essayiste sont indissociables chez l’auteur.
Dans ce roman le héros Jonas Levin disparaît. Le mystère de cette disparition le lecteur va le comprendre en lisant le journal du peintre. Celui-ci est "doublé" par la voix de John, son ami et admirateur. Leurs deux voix se complètent à travers la passé et le présent de l'écrivain, l'évolution de ses travaux et celle du temps. L'artiste tente de justifier son rôle de peintre et de l’exploitation à laquelle il est soumis.
Cette double voix touchent donc une plaie commune en effet de "repons". Le texte est concentré sur cette vie que le peintre comme son biographe sait qu’il va la perdre. Ici la connaissance de soi s'accompagne de celle du monde et répond à la question : et vous vous savez ce qu'il en est de la peinture ? C'est ce qui en fait sa richesse là où l'artiste se retrouve "la tête couronnée dans une mine de charbon".
Jean-Paul Gavard-Perret
John Berger, "Un peintre de notre temps", traduction de Fanchita Gonzales Battle, L'Atlier Contemporain, Strasbourg, 224 p., 25 E., 2019.
10:50 Publié dans Fiction, Genève, Lettres, Résistance, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
26/02/2019
Gédéon et le roman du renard - Keith Donovan

Keith Donovan poursuit son travail d'iconoclaste en ouvrant un nouvelle étape : il s'intéresse ici à Benjamin Rabier, personnage étrange et mystérieux de la bande dessinée et de l'illustration au début du siècle dernier. Il créa entre autre la célèbre image "La vache qui rit" et les histoires du canard Gédéon.
Avec lui, l’univers pictural de Keith Donovan se fraye un passage dans l’entre-deux du figural et de l’abstrait avec un sens marqué à la fois de l'expérimentation et de l'humour. S’y jouent des apparences inconnues et les impressions complexes que celles-ci peuvent ouvrir. Le tout avec l'espoir que tout regardeur se couchera moins bête que la veille à la clarté de la lune. Les illustrations du temps passé ne sont en rien reproduites. Le travail est composé de formes organiques et animales à la fois.
Les références voguent en une sorte de freak show. Se crée un "naturalisme" d'un nouveau genre au sein de collages. Ils "gardent la belle nature grasse des dessins de Rabier" précise Donovan. Néanmoins et loin de tout propos intellectualisants, l'artiste propose d'étranges rébus. Ils prouvent que la cervelle de l'artiste est rarement flemmarde. Quoique expérimentale l'oeuvre garde beaucoup d'humour et fait également penser à ces moments où l'on ne prend pas le temps de considérer les questions ou qu'on ne les a tout simplement pas comprises.
Jean-Paul Gavard-Perret
08:29 Publié dans Culture, Genève, Humour, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (1)