28/04/2019
Doris Pache ou les commentaires de l'invisible
Doris Pache, "Silence des couleurs", Galerie Anton Meier, Genève, du 2 mai au 28 juin 2019.
D'apparence formaliste Doris Pache est une technicienne formidable mais surtout une "mentaliste" qui n'abandonne jamais l'émotion. L'artiste semble peindre à l'aquarelle comme à l'huile et à l'huile comme à l'aquarelle afin de créer - de fait a tempera sur toile - une manière d'accrocher la lumière par effet de soyeux.
A de rares exceptions plus "réalistes", regarder ce travail revient à s'aventurer dans une peinture des confins. D'autant que dans ses oeuvres récentes quasi monochromiques aux "paysages" nus, Doris Pache suvertit la notion de narration, de réalisme ou d'abstraction. La sensualité est présente mais de manière métaphysique et ineffable. Chaque toile de la Lausannoise nous plonge dans des moments ou des lieux incertains, flous, troubles mais indéniablement sources d'apaisement. Elle devient un poème, une sorte d’uchronie plastique.
Nous sommes à la fois dans un ici ou ailleurs : l’infini y court toujours. Le paysage est sans contour, sans limite ni description et n’admet ni parenté ni cause. Il est comme un loup ou un ange blanc. Il ne cesse de s’étendre. Divisant le monde il crée des âmes dans la profondeur de l’air. C’est un miroir de métal blanc qui résiste à tout effacement. Le calme s’y fait étrange. La forme devient le vêtement arrêté qui à peine enlevé ou élevé fait énigme là où toute densité se métamophose en fluidité.
Jean-Paul Gavard-Perret
14:52 Publié dans Femmes, Genève, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
27/04/2019
Lisetta Carmi de Gênes à Genève
Lisetta Carmi, "Séries photographiques", Centre d'Art Contemporain, Genève, du 3 mai au 16 juin 2019. Puis du 21 juin au 25 aout 2019 (
Project Space, 4e étage ).
Lisetta Carmi est née à Gênes dans une famille bourgeoise juive. Après des études avancées de piano, et sous l'effet des mouvements politiques italiens, elle s'engage dans la lutte sociale et renonce à son métier de concertiste.Parallèlement elle commence à photographier en autodidacte. Elle réalise entre autres des clichés d'ouvriers du port de Gênes et de ses zones industrielles ou encore le célèbre cimetière de Staglieno.
Elle découvre ensuite le monde des travestis qu'elle fréquente pendant 5 ans à la fin des années 60. Aleur côté elle découvre sa réelle identité sociale : « Je savais que je ne voulais pas me marier et je refusais le rôle que la société assignait aux femmes. Mon expérience avec les travestis m'a fait réfléchir au droit que nous avons tous à déterminer notre identité ». Elle monte une série de portraits de ces "Travestiti" qui devient le premier livre sur ce milieu. Il fit scandale mais est devenu un classique. Plus tard elle parvient en quelques minutes à prendre une vingtaine de portraits d'Ezra Pound qu'elle rêvait de rencontrer mais qui ne fait que lui entrouvrir sa porte. Elle créera encore une série de clichés en Sicile, avant d'être séduite par le spiritualité hindoue de fonder un ashram en Italie et de renoncer à la photographie.
L'image chez elle s'introduit dans les failles du réel pour empêcher tout barrage à l'eau dormante comme à l'eau bouillonnante. Existe une certaine solitude dans cette mise en miroir de celui des apparences. Chaque œuvre de Lisetta Carmi devient un roman, un cinéma muet. Exit les dialogues de cire et de circonstance. Si bien qu’à sa manière l’œuvre reste toujours "militante". Elle apprend à rouvrir les yeux, à ne pas se contenter de jouir des apparences. L'image sort de la simple exhibition en un expressionnisme distancié. Il joue sur un rendu simultané de diverses facettes intimes et publiques. Elles ne se remodèlent pas selon nature : elles s’enrichissent par superposition de strates.
Jean-Paul Gavard-Perret
10:50 Publié dans Culture, Genève, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
26/04/2019
Pans et vibrations : Linus Bill + Adrien Horni

En parallèle à leurs pratiques en solo, les deux créateurs suisses ont créé un duo : Linus Bill + Adrien Horni. Ils construisent des oeuvres souvent monumentales et abstraites fondées sur un oeil unique par le deux. Formes libres et couleurs franches sont aussi une question de "mains" qui déplient une fluidité de l'espace à travers divers médias.
Le travail final est précédé par des formats noir et blanc. Puis les deux créateurs dessinent, découpent, collent d'immenses assemblages parfois numérisés dont la métamorphose devient une poésie en acte et de toutes les couleurs en agitations de clartés concentrées. Les manières de faire, manuelles ou issues de dispositifs techniques, convergent en un expressionnisme abstrait revisité par les deux artistes venus du graphisme et de ses concepts.
S'instaure une forme de nudité bien plus profonde que celle de l'habituelle "peau" de la peinture. Chaque oeuvre propose l’interstice, le passage, ouvre l’image de manière extatique, exorbitante Ce qui est solide, pesant s’évaporent en franges ou remous. Tout progresse dans l’éther diffus où se noie le regard. La lumière devient étoffe, elle habille l’ombre et l’inonde de vie.
Jean-Paul Gavard-Perret
14:34 Publié dans Genève, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)