07/12/2014
Paule Soubeyrand support & surfaces.
Paule Soubeyrand fait de l’art textile un écrin de matière où les calculs mathématiques proposent un jeu de lignes afin que le sens même de l’image en tant que phénomène perceptuel soit modifié. Aussi abrupte que poétique son aventure plastique devient la passerelle enchantée capable de franchir l'abîme de l'évidence. Et si généralement le textile « caresse » ici il le fait par des déclarations d’amour géométriques » dans l’ubiquité diaphane d’échanges entre la noirceur du monde, la clarté de l’art. Le textile ne fait plus couverture, parure ou même blason. Il dégage une puissance étonnante de vie intrinsèque. L’artiste fait oublier la matière au profit des effets qui provoquent une fascination mouvante à mesure que le regardeur bouge.
C’est d’ailleurs là toute l’ambiguïté et la force d’un tel travail. Un mystère durable surgit en un sublime denudare. Celui-ci représente le moyen de refonder une relation particulière du textile au monde. Il s'agit de faire corps avec ce qui n'en a pas. Paule Soubeyrand déplace stricto-sensu les points de vue en inventant de nouvelles incarnations. La notion de support et celle de surface sont donc modifiées. Le textile devient un aître de la pensée, un état renaissant de l’image puisque la « peau » entre dans une dynamique par l’organique de la matière. Un réseau d’équivalences poétiques naît d’approches abstractives. Elles arrachent encore plus le textile à sa « complexion ». L’archéologie du matériau ne va donc pas sans celle du sujet qu’il crée plus qu’il ne la « supporte ». L’oeuvre devient le lieu physique où peut se toucher de la pensée - même si toucher n’est pas saisir, ni posséder. Simplement caresser. Mais des yeux.
Jean-Paul Gavard-Perret
L'œuvre de la Lausannoise sera visible à la Galerie Bernard Cesson, Genève du 15 janvier au 7 mars 2015.
07:31 Publié dans Femmes, Genève, Images, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
05/12/2014
Julia Steiner : îles
Julias Steiner, Galerie Turetsky, Genève, 15 janvier au 21 février 2015.
Abyme de révélation, imprégnation du silence
Craquelures exubérantes venues de grandes alvéoles
Des flots de graphite ou de carbure flottent élégamment
Chaque œuvre est une porte qui s’ouvre,
Un bain de révélation
La dynamique du crépuscule appelle déjà celle de l’aurore
Ça brûle. Un cri profond monte
Plainte première. Mais aussi la fureur d’exister :
Hallucinations nocturnes d’où la lumière jaillit.
Demeurent l’envers, l’en-deçà.
Le souterrain, l’étincelle du refus puis de l’accord impensable.
L’embrouillamini des traces fait autorité.
En des feuilles de route désaccordées : escapade du visible
L’espace sort de sa cage.
Le noir est plein de grâce. C’est un commandement.
Des orvets de marécage surgissent d’un bouillon
D’un galimatias.
Moins de contours que des dedans.
Ils rendent gorge ou plutôt prennent la « parole »
Plénitude. Entropie.
Pas d’arbres ou de fleurs pour saluer le monde.
Juste l’ambition d’une matière noire en fusion.
Silence du corps à l’œuvre.
Chaos et éblouissement
Le noir extrême et vivant.
Rêve, désir, sensation. Attente.
Vésuves et incandescences
Calme, liesse? On ne sait pas.
Jean-Paul Gavard-Perret
08:54 Publié dans Femmes, Genève, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
Marie Velardi et les frontières
Marie Velardi, Terres-mer et autres œuvres, Gowen Contemporary, nov.-dec. 2014, Genève.
Franchir la frontière : voici ce qui touche à notre plaisir, à notre jouissance et, en conséquence, à nos possibilités d’angoisse puisque nos certitudes se voient interpellées par cette traversée. C’est pourquoi Marie Velardi prend soin pour chacune de ses cartographies et voyages d’atténuer les peurs par la douceur et l’élan de ses formes. L’œuvre crée une sorte de délivrance et aussi une attente. Le regardeur laisse les bagages de sa conscience sur le quai des rationalités et ose dériver au nom d’un franchissement de divers seuils et présences. Preuve que l’œuvre de Marie Velardi vient à bout de la frontière interne de l’être. Demeurent des cartes et des plages dont les dépôts épars permettent de passer la limite de notre ignorance. L’artiste donne “ un passage au passage ” (Roger Munier). Jaillit l’entre-deux où un réel désir n’est plus en sommeil. Les amants de Venise ne finiront pas en cendres. Affleure par effet de lagune la lumière montante et sans frontière. Celle d’une idylle et d’un abandon subtilement programmés par l’artiste. Ses lisières d'aubes accordent à la trame du réel une transe, une flambée d'ivresse où se perçoit toujours une source de vie.
Jean-Paul Gavard-Perret
07:45 Publié dans Genève, Images, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)