22/01/2015
Superpositions : Nicolas Party
Nicolas Party , Pastel et nu, Cente Culturel Suisse, Paris, février-mars 2015.
Il existe dans l’œuvre du jeune artiste vaudois (« exilé » à Bruxelles) le passage palpable d’un passé passionnant contrecarré par le vertige et la folie de l’imaginaire du créateur. Dans une esthétique issue du pop-art et des graffti il introduitdes sujets classiques : natures mortes, portraits, traités par des maîtres de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Par exemple pour sa « Pièce sur cour » il réinterprète - en grand format et au fusain - des nus de Vallotton sur lesquels il superpose des paysages colorés et encadrés. La tradition se fissure mais sans désir iconoclaste ou bricolage. La légèreté s’éloigne du travail de mémoire pour alimenter un dynamisme. Il polarise l’émancipation de l’imaginaire. L’art n’a plus de forme uniforme : il réforme par normes difformes. Elles sortent des alphabets plastiques appris. Nicolas Party témoigne donc d’une pluralité qui repousse les limites de la représentation. Et si un « interlignage » matriciel initie le travail, les créations s’en dégagent vers un cosmos indomptable. L’artiste prouve qu’il a plus besoin de croire au futur qu’à la sacralisation du passé dans une ivresse des formes et des couleurs.
Jean-Paul Gavard-Perret
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16/01/2015
Balthus et les métamorphoses "féliniennes"
Balthus, Rétrospective, 14 janvier – 28 février, Gagosian, Paris
Entre 1936 et 1939, Balthus réalisa les célèbres séries de portraits de Thérèse Blanchard, sa jeune voisine à Paris. Elle y posait souvent seule ou avec son chat. En Suisse il substitua l'austère décor par des intérieurs colorés dans lesquels des nymphettes s'adonnaient à leur rêverie. Balthus devint un maitre dans l'art de saisir toute l'ambivalence contenue dans l’être et plus particulièrement de la femme encore adolescente ou enfant. Pensives ses jeunes filles à peine écloses ont souvent comme seul compagnon de jeu le chat. Il peut au besoin rameuter une présence « adulte ».
Dans un travail riche plastiquement riche et ténébreux Balthus s’est amusé à transformer le fier étalon mâle en chat. Cette métamorphose accentue la fiction narrative des toiles. Le chat démultiplie le masculin dans un fantastique jeu de miroir. Il introduit un rire alimenté par la transgression et une imagerie de contes enfantins. La nudité féminine offerte à ceux qui ne pense qu’à « chat » ne s'oppose pas à leur volonté affichée mais la double d'un "malin" plaisir. Celles qui se laissent regarder provoquent à la fois le trouble et le rire selon des rackets figuratifs loin de l’érotisme de façade.
Le jeu du chat et de la souris en modifie la nature. En insufflant le pouvoir magique au simulacre Balthus prouve que se satisfaire de la présence du mâle est de piètre consolation pour des jeunes filles en pousses tendres. Balthus par la présence fortuite de l’animal nocturne touche à une lumière obscure de l’être. Sa peinture va ainsi du connu à l'inconnu et pervertit le réel par le conte. Du premier il ne montre que l'ombre en sa théâtralisation. C’est pourquoi l’œuvre demeure si captivante dans ses déviations de figurations et de sens. En particulier dans son approche de la « félixité ».
Jean-Paul Gavard-Perret
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Delirium Vadi
Pierre Vadi, "Plus d'une langue", Centre Culturel Suisse, Paris, du 16 janvier au 29 mars 2015.
Les œuvres d’art sont souvent considérées comme de vieilles dames outrageusement maquillées, au sourire un peu trop victorieux, figé et vaniteux. Rien de tout cela chez Pierre Vadi dont l’œil oblique et les croyances troublées font bouger bien des lignes. Beaucoup parlent à propos de ses travaux de « principes de précipité et de passage ». Le Genevois propose diverses élucubrations plastiques, chimiques et matérielles en un mixage d’objets et d’images mentales. Utilisant souvent le moulage, ses sculptures créent les figures en négatif ou inversées du monde. Les emballages en carton deviennent des contenus. Son « Portique du Gouvernement du Monde depuis la Montagne Noire » reste un porche des plus incertains. Les œuvres multiplient les doutes et les ouvertures (possibles mais jamais certaines) de sens. Les vis et écrous de « Stoned Text » renvoient à la fabrication mécanique du livre où le texte devient pierre et où la pierre elle-même étant homonyme du prénom de l’artiste incarne un jeu de mot.
L’effet de l’œuvre est autant de spatialiser le temps que de temporaliser l’espace et de décorseter la notion même de langage et de signe. Sorte de marchand d’os l’artiste par interventions attentives désoriente bon nombre d’idées reçues sur l’art, sa technique, ses expositions. Il ne pare jamais le réel de plumes ou de bandages herniaires. Pour lui la beauté n’a pas de forme même si les formes la font naître. Il arrache ses œuvres au règne du spectacle et de la culture séduction même si au besoin il peut jouer avec. Inactualisant l’actuel (à l’inverse de ce que bien des artistes proposent) il porte attention aux objets de perte devenus grâce à lui ceux de la contemplation. Il s’agit de mettre le feu au regard, de discréditer tout didactisme avec cet instrument d’imprécision, de torture et de musique qu’est l’art. Par la magie-Vadi des nettoyeurs matinaux époussètent au milieu des nuages les déshabillés compliqués des structures qui droguent à la baguette des valses de Vienne. Surgit un nouveau réalisme mâtiné de constructivisme.
Jean-Paul Gavard-Perret
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