11/01/2020
Jacques Cauda : lieux de faîte pour ascensions diverses
Parce que la pureté des choses rend impossible le rêve et pétrifie nos organes, Cauda a choisi de trancher dans le vif. Pas n'importe lequel : celui de nos viandes. Et il ressemble à un des zigomars qui parcourent un texte qui tient en partie du polar. Il y a là un Charlie Gaule moins luxembourgeois mais tout aussi coureur que son homonyme pour longer des sillons par forcément alpins et grimper les cols ouverts hiver comme été sur des gorges qui donnerait au Capitaine Achab doté une jambe de bois bandé plus solide que celle qu'elle va remplacer.
Toutefois du roman de Melville il ne reste plus rien - sinon le sens de la quête. A l'océan font place des ruelles louches, des locdus de première et des belles de tous les style si bien qu'on semblerait parfois dans un catalogue de la Redoute. Les dames sont généralement de bonne plastique même si leurs habitudes ne sont pas forcément précieuses (et c'est un euphémisme).
La vie ressemble à un vide grenier à une porte cochère là où personne ne se préoccupe de savoir si la nuit est avec ou sans lune. Les larrons, fieffés fripons et autre sumo forcément d'envergure préfèrent à l'astre nocturne les rondeurs de celles qui battent le pavé près des flaques et des grilles autour des arbres des squares. Ici le sexe est béton. Mais du genre armé car les exhaustifs et les jouisseurs ne sont pas les plus convenables des partenaires. Mais fidèle à sa verve Cauda s'en amuse. Il possède l'instinct secret pour renverser les postures admises qui ne sont que des impostures. Bref la lascivité est permise. C'est même non une hypothèse de travail mais une obligation.
Jean-Paul Gavard-Perret
Jacques Cauda, "Moby Dark", L'Âne qui butine, Mouscron, Belgique, 174 p., 2020.
09:00 Publié dans Fiction, Humour, Lettres | Lien permanent | Commentaires (1)
22/12/2019
Mélanie Leblanc : effet du prince (charmant)
Mélanie Leblanc écrit le poème des attentes : « Je sais que tu es tout près – presque je vole – j'ai peine à respirer – ne restent que quelques pas – là derrière cette porte – je vais te trouver – j'essaie de reprendre mon souffle – en vain – voilà que j'ose – je gratte à peine – j'entends ton pas qui approche – suspends mon souffle. » Preuve que chercher à être reste plus important qu'être.
L'énergie est attente et latence. Plus même. C'est la recherche de quelque chose de pur et de premier qui effacerait certaines pages du passé. C'est. Ce qui dépouille pour oser la nudité devant un regard d'homme. Bref Mélanie Leblanc descend dans le silence des femmes. Leur blancheur touche les mots presque impossibles, ceux d'avant.
C'est son calendrier d'immédiateté. C'est. L'approche du nous qui dépasse. Il crée un savoir des images "avenir" dans la langue. C'est la préséance de l'Aleph, du A de l'amour et de son paradis. Peut-être avant l'enfer car nul ne sait de quoi est fait le charnel obsédant. C'est le récit impossible de ce qui peut arriver. La femme est attente. De ce qui n'existe pas encore. Ou trop.
Jean-Paul Gavard-Perret
Mélanie Leblanc, "Presque je vole", Editions de la Salle de Bains, Rouen, 2019, 5 E..
11:29 Publié dans Femmes, Fiction, Lettres | Lien permanent | Commentaires (0)
17/12/2019
Alice Winocour : embarquement presque immédiat
Ce film d'espace - qui se déroule sur terre dans des centres d'entrainement aux voyages spaciaux de Cologne et de Baïkonour -, en dépit de son caractère possiblement de quasi science-fiction reste avant tout et paradoxalement un film féministe. Pour preuve la femme culpabilise de quitter son enfant. Les hommes pas.
Et Eva Green réussit parfaitement l'incarnation de l'héroïne. Le film reste aussi précis que lyrique. Sous couvert de reportage sur cette femme en mission, la fiction illustre - et bien plus - ce qu'est que le métier de vivre lorsqu'il s'agit de s'arracher - à la terre, comme à la mère.
Impressionniste par son regard, la réalisatrice Alice Winocour sait créer une émotion latente et subtile. Si bien que ce film surprend autant par son côté document que sur la méditation qu'il donne au sujet du sens des actes entrepris par celles et ceux qui s'y engagent. Et c'est une réussite.
Jean-Paul Gavard-Perret
Proxima d'Alice Winocour
22:17 Publié dans Femmes, Fiction, Images | Lien permanent | Commentaires (0)