13/11/2019
Emotion et ténuité des images de Tami Ichino
Karine Tissot "Tami Ichino. Ondes", art&fiction, Lausanne, 2019, 260 p..
Tami Ichino est née en 1978 à Fukuoka, Japon. En 1997, elle est parti pour la France où elle étudia les Beaux-Arts à Lyon puis à la Villa Arson (Nice) avant d'arriver à Genève où elle vit et travaille. Karine Tissot présente la première monographie de l'artiste. Elle illustre comment la créatrice par l'observation minutieuse des choses qui l’entoure et qu’elle intègre à ses peintures et dessins, met en place un univers dans lequel le temps est en suspens et en tension;
Dans chacune de ses oeuvres l’instant semble flotter, fluctuer mais pourtant est atteint un univers de la substance loin de l'abstraction qui tue. Une simple plante devient un essaim accroché à la poitrine du support. Le regardeur peut se laisser à une méditation sur ce qu'il voit par ce que le dessin engendre. Fidèle à sa culture première et tournant le dos aux modes, la créatrice par la précision de ses images fait que les idées préconçues se noient dans le souffle d'un minimalisme figuratif particulier.
Là où le monde s’estompe une Annonciation a lieu. Tami Ichino n'est pas pour autant un ange. Elle ramène à un ordre du désir mais qui n'a plus rien à voir avec le fantasme. Chaque image dans sa simplicité permet de revivre, espérer contre les couteaux qui se plantent dans le réel et les museaux de rats qui nous rongent du dedans. Existent des petits bouts d’amour. Et c'est comme si, du dehors ne monte aucun bruit. Chaque image semble naître dans le recueillement qui doit tenir d'un rituel.
Karine Tissot ramène à l'essentiel de l'oeuvre là où juste un peu d’éclat - de l’ordre de l’écharpe - permet de distinguer la figure travaillée dans sa majesté sobre et humble. Il n'y a pas besoin de plus. Car soudain tout est là dans la beauté fractale du presque rien. Tout rappelle confusément une image rêvée, enfouie au plus profond de l'oubli et qu'il s'agit d'aller retrouver. Dans leur simplicité de telles oeuvres médusent comme fascine parfois le regard d'une passante aperçue dans la foule.
Jean-Paul Gavard-Perret
13:52 Publié dans Femmes, Genève, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
12/11/2019
Traverser la vie à deux pour trouver la lumière : Annemarieke van Drimmelen
Le génie photographique d'Annemarieke van Drimmelen tient à la façon de créer un portrait intime du chagrin et de la beauté. Le tout en un voyage de retour temporel au long cours en hommage à sa mère. Elle reçut à 10 ans juste après sa mort son appareil photo. En le prenant, elle s'en rapprocha intensément en fixant des moments apparemment "faibles "sur l'instant.
Puis avec le temps et surtout lors des dernières années, elle même devenant mère, elle a repris et revisité cette approche en saisissant des paysages forains en Arizona, Californie, Paris et Amsterdam. Le souvenir de sa mère devient un moyen de capter le monde de manière aussi minimaliste que saisissante à travers des femmes et des hommes vu au gros plan et selon des perspectives presque abstraites ou encore des lambeaux de paysages : cactus, murs et pierres, une serviette sur une plage, la vieille chaise d’un ami.
L'artiste recrée un récit en noir et blanc ou en cyanotypes (pour rappeler le bleu qu'aimait sa mère), le tout accompagné d'une préface écrite par l'artiste et pour elle.
Annemarieke van Drimmelen retient l’essence des images dans une économie de moyens. Manière de réinventer la disparue et de se définir elle-même dans le lyrisme le plus sobre. Elle crée une symbiose entre perceptions et souvenirs et permet de prolonger la vie. Qu’importent ses labyrinthes : il s’agit toujours et encore d’avancer. Et même si l’art d’aimer reste introuvable eu égard à la disparition, la créatrice le peuple de grâces poétiques par le minimalisme d’une démesure
Jean-Paul Gavard-Perret
Annemarieke van Drimmelen, "Tadaima", Libraryman Editeur, 2019, 45 €
17:38 Publié dans Femmes, Images | Lien permanent | Commentaires (0)
11/11/2019
Peggy Viallat-Langlois et l'adhésion dégagée de l'ombre
Peggy Viallat-Langlois sait qu'on ne chasse pas le brouillard avec un éventail. C’est pourquoi au lieu de bétonner la vanité dans le sens du gris elle confectionne sa propre dentelle de couleur tandis que Liron la modèle de ses phrases. Cela évite de sacrifier aux suintements nocturnesdes pleurs inhérents à ce qu'un tel genre rappelle. Même si bien sûr demeurent ce que de telles images fomentent et que souligne Liron : Les hommes font aussi volontairement parfois de ces images dont ils ignorent eux-mêmes le sens et qui les troublent comme nous trouble ce que l'on entrevoit de nos passions, de nos pulsions, des mécaniques inconscientes qui nous déterminent, de ce que fermente notre mémoire."
Néanmoins l'artiste crée une certaine distance teintée d’humour par rapport à soi-même et au genre. Ce que la vanité généralement ampute, enleve, sectionne, retranche est métamorphosé. A l'asthénie généralisée de crâne fait place la gourmandise dans le carnaval des couleurs. Si bien que par la "grâce" roturière de l'artiste, les morts ainsi léchés ne restent plus sourds aux compliments qu'elle leur adresse au sein d'un "puits" et d'un soupir non extrême mais post-exotique dans ce qui est souvent l'objet d'une jouissance morbide aussi prégnante que silencieuse
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Jean-Paul Gavard-Perret
Peggy Viallat-Langlois & Jeremy Liron, "Edouard", Editions Strandflat, 2019, 34,00 €.
15:02 Publié dans Femmes, Images, Lettres, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)