16/12/2019
Annie Cohen in petto
"Petite rivère" presque morte et enterrée "comme la Bièvre", après son A.V.C. Annie Cohen va quitter son lit et continuer le rouleau de sa propre Torah et ses kilomètres de phrases. C'est une manière non pas de renaître de ses cendres mais de se régénérer même si le monde n'est qu'un vestibule. Y témoigner de l'amour sauve tout du moins ce qui peut l'être.
Si bien que l'accident vasculaire peu à peu est tenu à distance en une quête de l’absolu comme de l’instant. Il existe toujours une densité, une extension contrôlée là où 'écriture fouille l’interne et le silence pour en exhausser des pépites. De vieux fantômes réactivent non la détresse du passé mais la nostalgie de nouveaux ailleurs. Le tout au sein d’une perfection vers laquelle Annie Cohen ne cesse de cheminer pour remplacer par son journal ce que la fiction ne pourrait exprimer.
Sans cesse père et mère et tabac créent une boule au plexus lorsque ce n'est pas l'âme mais le corps qui fait tache dans le décor au moment de l'engloutissement au coin des rues où claudiquer. Bien tenir dans les ascendants - un territoire ne valant que s'il est quitté. Et passer des journées à redevenir juive errante fidèle au trou noir des racines là où l'hiver n'étais pas un pays.
Jean-Paul Gavard-Perret
Annie Cohen, "Puisque voici l'aurore", editions des femmes - Antoinette Fouque, Paris, 2020, 128 p., 14 E.. Parution le 16 janvier.
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15/12/2019
Manon Boyer dans les coulisses
Les portraits des enfantes de la balle de Manon Boyer possèdent un potentiel métaphorique complexe et puissant. Chacune de leur photographie soulève de nombreuses questions au sujet de la féminité et de sa représentation. L'artiste met en évidence certes les strass mais aussi celles qui se cachent dans des cabines aux volets clos avant de vivre dans un espace lumineux.
Derrière la fête et au cours de sa préparation, le spectacle est tout autre. L'artiste ne cherche pas à faire beau : elle témoigne. La base de sa création est le corps avec ses morceaux de Lucifer et d’Ange. Il se prépare à l’espace de la rencontre. Il ne se complait pas en lui-même. La clarté espérée est encore en attente et en absence.
La photographe fait entrer des flux d’existence. Dès lors les «Eve» de tout âge obligent à chercher où est le corps, le «vrai», où sont sa sensibilité, son être. D’où la densité émotionnelle de l'œuvre. Elle joue des références culturelles, populaires mais les métamorphose. L’art devient une activité qui montre ce dont le corps est plein sans en chasser l’esprit afin que femme de spectacle ne vive plus sans exister.
Jean-Paul Gavard-Perret
Exposition novembre : Corridor-Elephant, Paris, voir le site.
11:18 Publié dans Culture, Femmes, Images | Lien permanent | Commentaires (0)
09/12/2019
Osa Scherdin : matérialité et métempsychose
Avec une merveilleuse souplesse Osa Scherdin exploite toutes les possibilités de la sphère. L’impondérable et l'invisible prennent des allures de symboles afin de provoquer moins des dépaysements que des méditations pour troubler le regard et la tête dont les sculptures sont - en partie - la métaphore.
L'ouvrant la sculptrice répond à sa quête incessante de l’invisible. Il existe en elle quelque chose de tibétain même si on ne l’imagine pas vêtue d’une robe rouge restant des heures immobiles en position de lotus avant de boire un thé salé au beurre de yack rance. Entre macrocosme et microcosme, les rondeurs remplacent le totem masculin et phallique. Aussi primitives que sophistiquées dans le travail des matières, de telles présences restent au plus près de l’émotion et de la fémininité. Le tout sans ancrage temporel précis pour une archéologie du vivant.
Le globe n'est plus fermé. Il devient une coque ouverte par la compétence impérieuse de l’artiste. La densité du plein s’épanouit pour offrir une plénitude à l’invisible en une intransigeance qui n’outrepasse pas les droits de l’autorité terrestre suggérée par la matière elle-même.
Surgit un monde dense et profond. Il remplace l’occulte par la vision de l’occulté. Mais en même temps, une visée quasi chamanique transforme la vision matérialiste qui, elle, n’explique rien et ne permet aucune ouverture de conscience. Quoique profondément terrestres et telluriques de telles rondeurs ouvrent à la métempsychose et à la puissance du féminin.
Jean-Paul Gavard-Perret
Voir le site de l'artiste.
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