24/04/2014
Hors frontières : Ecrire dit-elle. Marguerite Duras
Marguerite Duras, Œuvres complètes, tome III et IV, La Pléiade, Gallimard, 2014. « Album Marguerite Duras », Christiane Blot-Labarrère, Album Pléiade, 2014, « Le Livre dit - Entretiens de Duras filme », Collection Les Cahiers de la NRF.
L’album « Marguerite Duras » qui accompagne les tomes 3 et 4 des œuvres complètes rappelle que Duras n’a pas toujours été vieille. Il y eut bien sur l’enfance, l’amant de la Chine du Nord mais aussi ceux qu’elle nomma « Les Impudents ». Mais c’est aussi la résistance dite tardive, la libération de Paris, la guerre l’Algérie, les 121, Morin, Merleau-Ponty, Bataille pour les soirées. Et le goût des blagues et d’Edith Piaf sur le gramophone. Selon Duras tout le monde couchait avec tout le monde. Elle est l’épouse d’Anthelme qui - quoique pas drôle - se marrait un peu. Ensemble ils ouvrent une maison d’édition. Mais son livre « L’espèce humaine » est un échec. Gallimard le reprendra. Il ne se vendra guère mieux. Elle est follement amoureuse de Dyonis(os) Mascolo et de ses yeux verts : « le soleil est entré dans mon bureau ». Il y eut aussi le voisin de la rue Saint Benoît, Maurice Nadeau. Duras écrit « C’est un écrivain qui compte… ». Les points de suspension sont importants. (Lucide Nadeau n’en croit pas un mot). Quant au cinéma de la réalisatrice il n’y vit que du noir. « C’était une amie proche »…. Réponse de cire, de circonstance.
Mais Marguerite Duras c’est avant tout la maladie de l’écriture bien sûr et les livres qu’on redécouvre grâce à aux tomes 3 et 4 de la Pléiade : « Sorcière » avec Xavière Gauthier. « Les Parleuses » avec la même. « La douleur ». Restent bien sûr les hôtels privés (un homme assis dans le couloir). La solitude. L’alcool. Dès dix heures du matin. Et de plus en plus tôt. Pour écrire. Pour vivre. Visage détruit. Parcheminé. Pas de Botox ou collagène. Il faut « Vieillir comme Duras » dit une photographe.
Car l’auteure vieillit libre. Sur les photos elle est gentille même si elle aimait le scandale. Yann en sera le parangon. Yann venu chercher sa bouillie et ramassant les derniers mots. « Cet amour là » de plein pied jusqu’au bout de sa vie. Dura c’est la passion. Mais « à façon ». Parfois sadique avec ses comédiens. Sauf avec Delphine Seyrig qui l’embrasse pour désamorcer la colère : Margot file doux. Soumise et insoumise. Comme Aurelia Steiner. Ou Lol V. Stein. En noir et blanc. Galatée et Pygmalion. Ce qu’il voit d’elle. Ce qu’elle voit de lui. Leur cinéma. Marguerite peu à peu à cause de l’alcool comme une barque couchée sur le flanc. Puis se relevant : « je traverse, j’ai été traversée ». L’endroit de l’amour sera l’espace du livre. Jamais fini. Toujours à reprendre. « Il n ‘y a pas de livre en dehors de soi ». Et d’ajouter « Tout y baigne. C’est là que j’ai vécu ».
Jean-Paul Gavard-Perret
11:41 Publié dans Culture, Femmes, Lettres, Résistance | Lien permanent | Commentaires (0)
23/04/2014
Celle qui attend une lettre avec des mots qui dansent : entretien avec Viviane Rombaldi-Seppey
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ? Le désir de croquer la vie
Que sont devenus vos rêves d’enfant ? Je les cultive
D’où venez-vous ? Des montagnes
Qu'avez-vous reçu en dot ? Un esprit voyageur
Un petit plaisir - quotidien ou non ? Un bout de chocolat
Quelle fut l'image première qui esthétiquement vous interpela ? La profondeur du ciel
Et votre première lecture ? Les contes
Quelles musiques écoutez-vous ? Bach, Satie, Avro Part, Antony and the Johnsons
Quel est le livre que vous aimez relire ? J’aimerais presque tout relire
Quel film vous fait pleurer ? « Love story » dans ma jeunesse m’avait fait pleurer du début à la fin.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ? Un corps que j’habite
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ? Venise
Quels sont les artistes dont vous vous sentez le plus proche ? Spencer Finch, Rivane Neuenschwander, Gabriel Orozco et bien d’autres
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ? Une lettre avec des mots qui dansent
Que défendez-vous ? Le Respect
Que vous inspire la phrase de Lacan : "L'Amour c'est donner quelque chose qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas"? Vision pessimiste de l’amour
Que pensez-vous de celle de W. Allen : "La réponse est oui mais quelle était la question ?" vision ironique de l’existence.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ? Celle dont la réponse est inattendue.
Interview réalisé par J-Paul Gavard-Perret, avril 2014.
11:26 Publié dans Femmes, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
Blanches landes et célébrations de Sylvie Godel
Fribourgeoise d’origine, Lausannoise d’adoption Sylvie Godel sait qu’il n’y a pas d’avènement de la poésie des formes sans un certain sens du rite de la fusion. Celle-ci dénude par la cuisson les apparences jusqu’à les transformer en paysages oniriques et labyrinthes optiques. Chaque pièce devient la caisse de résonance de l’intime en un mouvement dialectique. L’éros dit l’indicible, la blancheur rappelle la confusion des sens. Entre brûlure et glaciation, Sylvie Godel ne manque donc jamais d’audace pour inventer par la matière des œuvres à la nudité jamais scabreuse et qui ne contient rien de frelaté. Frontières, limites, seuils deviennent pour la céramiste ses champs d’explorations. La blancheur y divague tant chaque « grain » d’argile devient un grain de folie. La poétique des formes oscille entre sensualité et mysticisme.
Dans leur puissance, leur fragilité, leur minimalisme les pièces de l’artiste proposent un jeu marqué entre fond et la surface, la platitude et de la profondeur. Loin d’une pathologie sentimentale l’œuvre ouvre une sensation vitale. Chaque proposition dans sa blancheur vibre sobrement parce que la matière provoque non pas un épaississement mais un éclaircissement, une transparence. Elle perd en densité mais l'impalpable gagne en matérialité. La forme décompose le monde pour le recomposer par le feu de la cuisson et celui de l’artiste. Son imaginaire est un l’appel à la liberté de la sensation et à la germination de l’intense dans un immaculé moins virginal que sensuel.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:17 Publié dans Femmes, Images, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)