02/05/2015
Cendres Lavy et les interdites
Cendres Lavy, Editions de la Salle de Bains, 6 Euros, 2015.
Cendres Lavy cultive haies et lisières, dégrafe des soutien-gorge, montre des postérieurs moins pour les enivrer de caresses par des voyous de barrière que pour faire crisser les apparences. Les robes de certaines de ses femmes sont arrachées. Elles n'ont pas pour autant épuisé leur provision de panache. Même s'il ne reste qu'un peu de safran au fond de leurs yeux. Sous la jaune transparence de leur voile se distingue le ruisseau noir qui partage leur corps en deux cuisses disjointes. Se découvrent aussi des muscles ronds et des trapèzes du dos puis la nuque. On arrive aux cheveux. Sous les chignons surgissent des chairs brillantes en porcelaine.
Mais la Genevoise a mieux à faire que cultiver les rêves. Ses germinations sont « atrocement » drôles. Les corps « blasphémés » pulvérisent toute paix des ménages et des corps. Ils avancent sans honte et en provocation selon un certain délire. Face aux vautours du réalisme les femmes de Cendres Lavy restent des rebelles riches de leurs ardeurs et leurs outrances. Elles refusent de plaider pour nous : elles abusent au besoin de nos manques et de nos fuites. Tout équilibre est ignoré : l’artiste alimente la complexité des êtres par delà la simple idée de beauté. Elle pense donc mal pour dessiner ce qui échappe aux images policées.
Jean-Paul Gavard-Perret
08:22 Publié dans Femmes, Genève, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (2)
01/05/2015
Marion Fayolle : du bois dont on fait certaines flûtes
Marion Fayolle semble affirmer lorsqu’elle dessine « Le bout des doigts me brûle par le Si indécis que je suis, par le la, la, la de mes chansons graphiques et leur perte d'équilibre ». Le tout non sans un certain surréalisme en formes simples et des couleurs : rouge, bleu, orange bleue au soleil couchant-levant. Le corps épouse des membres imprévus imbriqués selon des greffes et excroissances de l'imaginaire en dérive.
Certes Marion Fayolle est parfois plus « sérieuse » : pour preuve elle dessine des livres pour enfants et leur raconte des histoires. Mais lorsque l’avant-bras droit la fait souffrir elle se détend en dessinant pour des enfants moins sages. Elle décline leur cycle des vanités. Chaud devant et traverses XXL pour d’inconditionnels baisers. Des lèvres y succombent. Mais qu’on y prenne garde : certaines mâchoires sont armées.
Jean-Paul Gavard-Perret
11:06 Publié dans Femmes, Humour, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
Julia Born : glissements de plans
Julia Born, Conférence, Centre Culturel Suisse, Paris, Jeudi 28 mai
2015 / 20h
Julia Born est une graphiste suisse dont le travail est reconnu internationalement. Vivant désormais à Berlin elle modifie l’art du graphisme, du design et de la muséographie. Elle a travaillé pour le Stedeljik Museum d’Amsterdam comme pour le Guggenheim de New-York, la Kunsthalle de Bâle et fait partie des graphistes engagés pour la Documenta 2017 à Kassel & Athènes Elle a créé dans la première décennie du siècle 6 livres de commande ou de création où l’idée même de la conception est le reflet du contenu. « Ofoffjoff – One To One » crée pour le couturier hollandais Joff est devenu une manière non conventionnelle mais pertinente de ce qui est réduit habituellement à l’état de catalogue. L’artiste y a inséré dix tenues en grandeur nature : chaque personnage est découpé, puis recomposé selon diverses combinaisons. Le livre est donc plus un prolongement de la collection de mode qu’une documentation. Pour le catalogue de l'exposition « Le Nouveau Siècle » au Grachtenhaus l’artiste a reprit les règles de symétrie du lieu truffé de fausses portes pour sacrifier à un idéal de symétrie complète. Elle a revisité cette idée en faisant un pont entre le lieu et le livre « bâtiment ». Par exemple le titre de la jaquette, devant et derrière, est placé sur axe médian et sert de rabat il sert de porte plus que de couverture.
Julia Born joue de l'ordre et du désordre. Le déploiement des formes est souverain indépendamment des "objets" qui s'y trouvent. La créatrice transforme les données « objectives » en informations lointaines et proches. L’artiste casse le piège des contours admis, crée la débandade des horizons habituels afin de montrer les confins inédits. Les pages elles-mêmes basculent, s’échappent, s’envolent en glissements de niveaux. Pour autant l’envolée proposée est aussi une mise en abîme. Et chaque fois que l’artiste rencontre un objet ou un lieu elle leur redonne un volume car elle le ressent comme emprisonné. Elle obtient de nouvelles familles d’objets d’art et des lignées de formes intempestives.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:32 Publié dans Femmes, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)