21/05/2015
Laure Gonthier : états (re)naissants
Laure Gonthier in « Luxe calme & volupté », Exposition au Musée Ariana à Genève du 31 mai au 1er novembre 2015.
La lausannoise pour cette exposition collective - proposée en collaboration avec Swissceramics afin de présenter la diversité de la céramique contemporaine suisse – se distingue par l’érection de ses formes insidieusement phalliques. Nourrie du vers de Baudelaire qui donne le titre à l’exposition l’artiste montre comment la céramique contemporaine élargit son domaine non sans humour et provocation. Dans ses « narrations » plastiques tout devient (peut-être – car le doute est permis) clair derrière les yeux. Ils saisissent à travers ce travail la moiteur des choses sous l’orage mais où la pluie ne veut pas venir. Tel un engourdissement dont nul ne sait s’il vient du corps, de la pensée où d’un lieu l’image-volume apparait en semblant issue d’un enchevêtrement de nuits. Tout ce qu’on peut dire est que s’y pêchent comme dans des étangs noirs et sombres des formes venues de l’inconscient. Elles émergent de la terre en une tendresse insidieusement voilée de violence. Tout ce qui pourrait sembler figé, immuable, trouve à travers l’empreinte et le modelage un paradoxal mouvement du vivant L’éphémère y apparaît en mutation et en état naissant ou renaissant sous l’emprise d’une cuisson qui donne à la « céramique » un nouveau visage.
Jean-Paul Gavard-Perret
11:11 Publié dans Femmes, Genève, Images, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
19/05/2015
Julie Perin et les bonbons roses
Julie Perin est de celles qui tirent les rideaux, les ficelles avec autant de pudeur que l’inverse. Son monde se réconforte dans une étrangeté qui le sépare de celui qu’on nomme « vrai ». Et si quelqu’un tente bien de donner des explications, de déplier des raisons à l'artiste et poétesse : selon elle, elles s’emboîtent sans véritable sens ou tournent comme en un moulin : pour rien. Julie Perin ne redoute donc pas le tonnerre. Elle ouvre son univers sans se préoccuper du reste. Il faut y entrer sur la pointe des pieds, ne rien déranger. Mais un tel travail réveille les morts, donne courage sans forcément dégrafer les corsages. Les silhouettes traversent en robe légère l’été avant que tout sombre dans la grisaille sous un dédale nocturne où certains corps sont meurtris. Nul n’en saura plus.
Reste la source du premier vertige Seule l’eau en connait les secrets. Les enfants étaient innocentes : ont-elle déjà tu tout vu, tout entendu, tout subi maintenant ? En est-il terminé de tous les contes de fées ?
Comment savoir désormais qui est qui ? Qui voit ? Qui est là ? Où sont les autres ? Un diable a fait l’affaire peut-être. L’artiste rouvre son carnet dessine au lapis lazuli. Son art permet de délier les mots pour les démasquer. Leur latin s’y perd. Pas leur sensualité. La fée déplie encore son secret par déboîtement de sornettes. Tout redevient azur. Pour un temps. Plus tard, au fusain de Californie, Julie Perin dessine une tellurique échancrure. Les ombres rebondissent. On croît pouvoir leur donner des ordres. Mais les fantômes ne changent pas ; ils ne prétendent à rien. Ils disent à peine : « Viens par là ». Que faisons-nous alors ? Reste l’image rose et insurgée qui n’habite que l’autre monde. L’angoisse nourrit sa douve. Mais sa semence de ciel devient une haie vive. Une poupée joue sur le sable. Le doigt de la fée y décrit son cercle.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:45 Publié dans Femmes, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
14/05/2015
Les dérobades enlacées de Zoé Balthus
Zoé Balthus ose dans ce beau texte ouvrir ses personnages aux plaisirs. L’homme - un peu lent d’abord mais la poétesse le presse - finit par goûter les parfums de la femme, boire à sa source, dévorer son amande douce. Sa partenaire-narratrice sait battre des ailes pour ça : elle parcourt son sang, le regarde par dessus par-dessous et lui rappelle le renflement d’éros que Cécile Hug habille de ses lignes vertes, de ses lignes noires. Chaque coque cache de ses graffitis fins le secret de l’effeuillée rose.
Longtemps l’amant a rêvé de ce galbe recouvert de soie. Désormais la poétesse avec pudeur mais franchise met des mots non dessus mais dedans. Un loup confidentiel est invité aux sensations retrouvées à la source exacte des vertiges. L’amande devient l’ogive d’une idée fixe dont rien ne sera dit : sinon tendresse et insomnies au moment où Cécile Hug joue de violons visuels plutôt que des cymbales. Pour atteindre les lèvres intégrales les deux créatrices se mêlent en un mix entre Lilith et Mère Arnaud. La seconde est convoquée uniquement pour sa capacité à donner des leçons de conduite que Zoé Balthus dirige non vers l’ange mais le démon. Elle le pousse en capitaine d’infanterie pour qu’il feuillète ce que Cécile Hug recouvre en feignant de proposer un nuage en fine enveloppe soie au lieu d'une femme charnelle. Mais qu’on ne se trompe pas : d’intrépides gerbes d’opales et des boucles d'orgasmes sont demandés au mâle. A bon entendeur salut.
Jeran-Paul Gavard-Perret
Zoé Balthus & Cécile Hug, « Amande douce », Editions Derrière la Salle de bains, 8 E., 2015.
08:03 Publié dans Femmes, Images, Lettres, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)