14/11/2016
Le gai savoir de Barbara Polla
Barbara Polla propose à travers l’œuvre de Dimitris Dimitriadis une apologie d’un gai savoir. Il tourne autour de la figure du phallus moins totem que source de vie et initiateur de toutes les créations : artistiques et littéraires bien sûr mais, par delà, tout autant politiques, écologiques, architecturales bien sûr en des reprises des et du sens au sein d’une Grèce qui n’est plus seulement antique. L’objectif est aussi (sinon surtout) précise la Genevoise « de faire bander un pays ».
Ce qui évite d’emblée bien des équivoques…Et Dimitris Dimitriadis de lui emboîter le pas : « Pour moi l’érection est le contraire de la dépression. L’érection est un état intérieur général où l’on se trouve en position debout. Mais en même temps on est plein. C’est un hymne acathiste, l’érection. On n’est pas assis, on n’est pas à l’aise, on est tout en haut. Et l’image de l’érection donne cette dimension : on est prêt à éjaculer. Donc à créer ». En une telle posture non seulement l’être mais une société abattue se relèvent et s’érigent. Dont acte.
Jean-Paul Gavard-Perret
Barbara Polla, “Éloge de l’érection suivi de Lycaon, apologie du désir” de Dimitris Dimitriadis (traduction Michel Volkovitch), Editions Le Bord de l’Eau – Collection La Muette, 2016, Bruxelles.
17:22 Publié dans Femmes, Genève, Lettres, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
10/11/2016
Merry Alpen : les dessous de Wall-Street
Pendant l’hiver 1993-1994 la photographe Merry Alpern a photographié - à partir d’une fenêtre de l’appartement de Wall Street d’un de ses amis - des tractations secrètes. Regardant à travers deux fenêtres d’un sex-club elle saisit traders et autres hommes d’affaires échangeant avec des femmes en string noir des centaines de dollars eu égard à leurs « attentions » (sexe et drogue).
Utilisant un téléobjectif la photographe capte les femmes dans leur travail et les hommes dans leur plaisir. A ce titre, et en 1995 elle fut - au même titre qu’Andres Serrano et Barbara De Genevieve - censurée pour de telles prises par le National Council de la NEA. Depuis même si beaucoup de regardeurs sont gênés par des images frisant le voyeurisme, le travail d'Alpern est visible dans de nombreux musées. S’y montre le dessous des cartes. La nudité n’y est pas traitée pour elle-même mais pour ce qu’elle « dit ». Par sa présence une effraction a lieu. La nudité est moins une exhibition érotico-plastique façon strip-tease que la figure de la figure d’une société.
L’interdit social est dévoilé afin d’atteindre ce qu’il existe de plus profond dans l’accomplissement social de l’homme unidimensionnel : le manque ou l’animalité. Derrière les marbres et les apparats de Wall Street, le système est - plus que la femme elle-même - mis à nu afin que se perçoivent sa frustration, ses suffisances et ses subterfuges compensatoires.
Jean-Paul Gavard-Perret
Merry Alpern : "Dirty Windows", Editions Scalo, New York.
09:47 Publié dans Femmes, Images, Monde | Lien permanent | Commentaires (0)
09/11/2016
Les confrontations de Miriam Cahn
Miriam Cahn, « Paintings and works on paper from 1977 to 2016 », Bondeau et Cie, Genève, jusqu'au 17 décembre 2016
Les portraits de la Bâloise Miriam Cahn créent l’exigence d’un dialogue qui n’était pas prévu par l’entremise d’une restauration essentielle. Celui d’un portrait qui s ‘affichant interroge et se livre au dialogue. L’artiste devient passeuse en évitant les narrations d’anecdotes en s’immergeant dans ses œuvres « comme pour une performance ». Elle crée des visages à l’étrange connivence entre le corporel et spirituel, le réel et le possible. Jaillissent des revenants et "devenants" en des couleurs claires et intenses qui donnent au portrait un côté naïf et atmosphérique : on ne tombera pas pourtant dans la gouaille d’Arletty -Atmosphère, Atmosphère - qui ne conviendrait pas du tout.
Le visage ou le corps sert de rhétorique agissante, érectile. S’y captent des forces par le langage même de la peinture qui pousse à une étrange jonction. Elle rappelle ce qu’écrivait Blanchot : « Toujours je reviens pour autant que vous trouvez en vous l’aptitude à demeurer au plus loin ». Jetant sur le support papier son corps et de ses émotions, Miriam Cahn donne à l’être toute sa puissance. Il y paraît néanmoins fragile, désemparé dans une sorte d’équilibre précaire. Par delà le travail de la mémoire il possède parfois le parfum de fruits défendus entre douceur et violence.
Jean-Paul Gavard-Perret
14:28 Publié dans Femmes, Genève, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)