24/11/2020
Leoni Rose Marion effets de pans et plans d'ensemble
Il existe dans l'oeuvre de Leoni Rose Marion une beauté particulière qui prend sa source dans le monde tel qu'il est aussi géographiquement que politiquement. Une telle approche est rare. Elle se distingue de la production ambiante, soulève quelques problèmes fondamentaux auxquels l'artiste ne donne pas forcément de réponses.
Attachée au paysage singulier des gorges de sa vallée jurasienne et à l'histoire de sa région qui fut écartelée jadis entre pro-Bernois et pro-Jurassiens, elle crée à partir de là une narration du monde en fixant divers types de ruptures. Elles se manifestent sur des surfaces dont Leoni Rose Marion suit les failles. L'oeuvre demeure dès lors une déambulation dans l’instabilité et la misère du monde comme dans la stabilité des paysages.
Chaque photographie continue de travailler contre la précédente même si elles sont toutes armées de la même langue. Par elle leur créatrice propulse sur l'espace et les portraits des profondeurs cachées en craquelures, strates, frontières. Elle abandonne à l'image touristique la faculté de représenter et au cinéma sa capacité narrative. Bref elle opère par soustraction mais afin que chaque œuvre conserve une nature vivante.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:46 Publié dans Femmes, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
22/11/2020
Nicole Chuard : saisir le temps
Dans l'immense corpus des photographies de Nicole Chuard - construit par rencontres, amitiés électives et sensations face au paysage - existe une circulation par association et télescopage où se concentre émotions et pensées. Le courant des images d'un tel travail photographique est alimenté aussi bien en argentique qu’en numérique. Des vieux clichés retrouvés dans une maison familiale se mêlent habilement à des images du présent dans son livre "Au grand chemin".
Des souvenirs d’enfance rappellent à la créatrice qu'elle a toujours aimé jouer avec les images et son travail revient à créer son propre puzzle de mémoire. Existe une avancée en des portraits noir et blanc et couleur d’écrivains, de musiciens, de chercheurs ou de professeurs d’université comme dans les impressions solaires et cyanotypes qui se multiplient au fil des ans. Le tout dans une marche et des transferts d’images instantanés qui s’inspirent de la nature en toute simplicité.
La créatrice poursuit sa quête sans qu'il n'y ait jamais de termes. Des séries et fragments couturés à une pensée ont pour objectif de donner jour en différents temps et teints dans un travail in progress. Nicole Chuard reste en connexion avec les êtres et les paysages dans ce qui représente sans doute par effet miroir une longue descente en elle. Elle sait mettre en scène mais aussi attendre qu'un imprévisible tourbillon - même au sein des portraits fixes - permette à une sorte d'apnée de suivre son cours.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:32 Publié dans Femmes, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
20/11/2020
Hélène Becquelin : No future et après
Hélène Becquelin, "1979", Editions Antipodes, Lausanne, 2020, 159 pages, 22€
Graphiste et illustratrice suisse, originaire du Valais, Hélène Becquelin vit et travaille à Lausanne. Après y avoir obtenu son diplôme de graphiste à l'Ecole d'Art, elle a pratiqué son métier plusieurs années dans diverses agences de publicité. Puis elle est devenue graphiste et illustratrice indépendante. Elle a réalisé cartes de vœux, faire-part, dessins de presse, affiches et flyers pour plusieurs musées. Son blog "BD Angry Mum", lui a permis de se remettre à la bande dessinée.
Dans "Adieu les enfants" et en 2 tomes elle a évoqué précédemment ses souvenirs d’enfance autour d’anecdotes tirées de sa vie de famille puis dans ses relations avec les copains d’école et du voisinage, les pique-niques en famille, ses vacances, les diverses processions religieuses qui rythmaient l’année dans sa petite ville du Bas-Valais. Le tout avec tendresse et humour dans un style qui chevauche roman graphique et bande dessinée.
Ce nouvel ouvrage lui permet de quitter l'enfance pour évoquer son adolescence. Il devient plus piquant que les deux autres. Nous sommes à la fin des 70'. Hélène Becquelin se dépeint comme une solitaire décalée par rapport à son entourage. Le punk va soudain bouleverser sa vie : c'est le début de voyages qui vont lui "sauver" la vie. Son livre donne une approche féminine, féministe et distanciée des horizons du milieu rock en Suisse romande de telles années. Lausanne est en effervescence et n'a rien à envier aux autres cités d'Europe. Et ce sous le regard faussement naïf d'une campagnarde qui soudain rejoint la grande ville. Elle y découvre le Sapri Shop, le Centre autonome et une certaine Dolce vita façon "No future" mais qui donne bien des raisons d'espérer. Et si des noeuds s'enmêlent c'est pour mieux rompre l'existant compact.
Jean-Paul Gavard-Perret
10:26 Publié dans Femmes, Humour, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)