01/12/2020
Marion Tampon-Lajarriette : un regard d'astronome dans l'ici-même
Dans ses photographies, Marion Tampon-Lajarriette préfère les éléments qui cherchent - comme disait Duras - « quoi faire de la solitude ». Evitant tout effets faciles et par fragments de narration ou par panoramiques paysagers la Genevoise d'adoption enjambe le réel comme Don Quichotte enjambait les moulins à vent.
Elle aime ce qui échappe. Elle s'en veut captive et captivée. C’est pourquoi elle touche non avec des images émouvantes mais avec des rapports d’images simples. Sortant de la fétichisation elle passe d’images vivantes à des images mortes. Mais l'inverse est vrai aussi. Le tout en une sorte de symphonie visuelle.
Chaque fragment raconte une ou sa propre histoire. Dans diverses éclosions bleutées qui deviennent parfois la couleur d'une vie paradoxale. Existe par exemple une main luciole sous espace indigo. La lumière est absorbée mais donne naissance à de nouvelles présences stellaires ou mystérieuses. L'ultra bleu prend valeur d'infrarouge en quelque sorte.
Jean-Paul Gavard-Perret
Marion Tampon-Lajarriette, "Echos", Edizioni Casagrande, 331 pages, textes Cristóbal Barria, Mark Lewis, Beau Rhee, Lucille Ulrich, Valeria Venditti, 2020.
14:27 Publié dans Femmes, Genève, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
29/11/2020
Les lumières du désir de Marie Odile Lambert-Gertenbach
"Pas à pas nulle part" : cette formule de Beckett pourrait sembler coller aux peintures de Marie Odile Lambert-Gertenbach. En effet le monde paraît se dissoudre par la puissance d'une telle coloriste. Néanmoins ce mot n'est pas le "bon". Car de fait les couleurs structurent l'émotion au moment où "l'abstraction" propose une nouvelle donne.
Pas de préliminaires à de telles entrées en matière et en lumière. Sinon les préludes apportés par tout le back-ground de la créatrice. Mais pour chaque toile rien n'est donné à priori : l'artiste avance dans la peinture pour savoir ce qu'elle donne. Tout est attente là où la disparition fait la place à une question majeure : la lumière a-t-elle une forme ? Marie Odile Lambert-Gertenbach cherche à y répondre à travers ces expérimentations. Surgissent les moirures de mémoire. Elles plongent dans l'inconscient au moment où jusqu'à l'art de la célébration de l'éros passe par les couleurs et où l'abstraction se dégage d'une simple "cosa mentale".
Aux dessins de troncs phalliques répond dans la peinture d'une telle plasticienne un plaisir céleste, féminin. De telles audaces pénètrent jusque dans les soubassements de l’image en une praxis qui s’accompagne d’une réflexion philosophique sur la finalité dont un tel art se fait le creuset. Existe en conséquence dans de tels projets une tension entre une pensée de la structure et de l’image, de son espace et la pensée métaphysique. Entre aussi une sensualité pure, phénoménologique, et un devenir de nature entéléchique. Méditation et création agissent de concert, avec une concertation aussi réfléchie qu'instinctive. Ce travail reste un voyage, un trajet. Il ne se parcourt qu’en vertu des chemins et trajectoires intérieurs qui le composent et en constituent le "paysage"
Jean-Paul Gavard-Perret
15:03 Publié dans Femmes, France, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (1)
26/11/2020
André Carrara : beaucoup de soleil dans un peu d'eau froide
Après différents travaux de prises de vue André Carrara découvre véritablement la photographie en côtoyant Willy Rizzo, Guy Bourdin ou Jean-Bernard Naudin. En 1963, il y réalise sa première campagne publicitaire très remarquée pour Lacoste. La carrière du photographe est lancée. Il rejoint alors Vogue puis collabore à Elle et de nombreux magazines. Dont et à la demande d’Anna Wintour, "Allure".
Il se plait à rappeler qu’il est venu à la photographie en général et celle de mode en particulier par amour des femmes. Il n'a cessé de les célébrer en noir et blanc et en couleurs avec beaucoup de références cinématographiques. Chaque série devient l'invention d'une histoire ou d'un reportage dont Carrara choisir le décor, le climat, la femme héroïne de ses mises en scène.
Au bord d’une plage déserte, une femme vient de sortir de l’eau, elle a froid, son corps tremble. Ailleurs une silhouette fine se détache avec netteté dans la chaude lumière du sud. Les formes sont toujours épurées mais non sans évoquer l’esthétique d'un Jacques Henri Lartigue. Minutieusement préparées les prises semblent saisies sur le vif en une harmonie chromatique ou dans les jeux d'ombres et de lumières du noir et blanc. En plans larges ou rapprochés un moment qui semble miraculeux voit le jour. L'élégance est de mise et ce quelles que soient les femmes : actrices célèbres ou belles inconnues.
Jean-Paul Gavard-Perret
André Carrara : Regards, texte de Isabelle-Cécile Le Mée, Editions Hemeria, 2020, 144 p.
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