25/12/2020
Thomas Vinau : le cave se rebiffe
Thomas Vinau nous laisse glisser dans une douce jouissance farcesque là où pourtant la dimension de catastrophe est loin d'être ectoplasmique. Le sombre héros du livre n'a rien de dionysiaque et c'est peut dire. Il vit ce qu'il estime ses derniers temps selon des spéculations hasardeuses mais tout autant possible depuis l'abîme de sa cave et de ses souvenirs.
Néanmoins Thomas Vinau ne cherche pas à instiller chez le lecteur la peur que son sombre héros éprouve. Il préfère s'amuser, étonner, troubler et faire rire dans cette parodie qui mêle l'apocalypse pour demain (au plus tard) et la difficulté de se réchauffer "les arpions".
N'est-ce pas, en se préoccupant d'eux - qu'ils aient les ongles incarnés ou non -, le moyen de déminer une situation paroxysmique et faire qu'en une fiesta loufoque se pratiquent des gestes barrières aussi vains qu'inutiles ? Thomas Vinau en ses spéculations romanesques propose donc les aventures autour d'une cave-chambre dignes d'un Xavier de Maistre - en plus fantaisiste : ici le cave se rebiffe. Enfin presque.
Jean-Paul Gavard-Perret
Thomas Vinau, "Fin de saison", Gallimard, Paris, 2020, 192 pages, 16 €.
13:07 Publié dans Culture, Humour, Lettres | Lien permanent | Commentaires (0)
24/12/2020
Ella Walker et les portraits énigmes
Ella Walker mélange les cultures, leurs mythes et les systèmes de représentation. Son travail devient une méditation et une exaltation unissant un mouvement de dilatation à celui de la concentration. Se lient l’infime le spectaculaire et le spéculaire dans un post expressionnisme et surréaliste - jusqu’au leurre de tout effet de remise figurale. C’est en cela que son oeuvre fascine puisqu’elle réunit les contraires en une harmonie où il s’agit de s’abîmer dans une extase ambiguë.
Surgit un espace particulier où le voyeur recherche plus son âme qu'un réservoir de fantasmes. Ella Walker fait en ce sens, du spectateur, un "névrosé" d'un genre particulier. Ma névrose est ici non pathologique mais saine. Loin d'une signification incestueuse à la jouissance de l’Autre, le regardant que façonne l'artiste se met " dans la conséquence de la perte" selon la formule de Lacan à travers des images qui signalent l’inconsistance, l’inexistence du monde tant leur signifiant devient équivoque.
Mais cette vision d'œuvres désamorcées de leur sens premier permet d'en jouir mentalement et dans l’imaginaire, puisque ces images détournées sont tout à fait réelles et possèdent des effets de réel perverti. Nous pouvons parler à propos de telles œuvres de "disapparition" (selon la formule de N.J. Woo) au coeur d'une écriture plastique qui fait des images que nous connaissons des figurations "inconsistantes". L'oeuvre fait de l'univers de la représentation traditionnelle une marge ou un hors-lieu. L'imaginaire s’accordant au réel de la jouissance, l'écarte d'une jouissance du réel tel qu'habituellement il est donné à voir.
Jean-Paul Gavard-Perret
Ellla Walker, Huxley Parlour, Londres.
20:51 Publié dans Culture, Femmes, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
20/12/2020
Clovis Paul : photographie et contre pouvoir
Né à Vevey Clovis Paul fut d'abord attiré par la recherche historique et documentaire mais se retrouve ouvrier dans l’industrie et la logistique, avant de devenir photographe professionnel en 2012. Il s'intéresse d'emblée aux mouvements sociaux et aux situations des déshérités et il révèle des situations limites qui soulignent bien des ruptures et des antagonismes.
Ses reportages le mènent d'abord à Bruxelles pour montrer le mouvement «No Border», actif envers les discriminations faites aux personnes immigrées et le second sur le squat du Gesù, et le logement de personnes précaires ou déclassées. Se dirigeant vers le phénomène migratoire il va ensuite en Sicile , retourne en Suisse (Lausanne, Chiasso) puis va en France pour montrer le mouvement des "Gilets jaunes" et à Calais où les émigrés demeurent autant en carafe qu'en transit.
Axés sur les mouvements de protestations et après un stage de perfectionnement à l’Ecole supérieure de photographie de Vevey il a conquis de nouveaux outils pratiques et a élaboré des stratégies théoriques propres au champ de l’art conceptuel critique et politique. Il trouve désormais un langage propre à renforcer son travail. La photographie est donc pour lui un contre-pouvoir face à toutes les idéologies qui entretiennent séparatismes et inégalités sociales.
Jean-Paul Gavard-Perret
08:51 Publié dans Culture, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)