16/08/2019
Le "free art" de Ramaya Tegegne
Ramaya Tegegne, "Sherman", Istituto Svizzero, Milan, du 13 septembre au 26 octoble 2019.
Les oeuvres de Ramaya Tegegne hantent le théâtre de l'art pour l'ouvrir à ses propres propositions. Sans vraiment vouloir "faire carrière" d'artiste, la créatrice, par son travail, met à disposition du public des matériaux oubliés, délaissés. Elle renonce aux gestes du graphiste en tant que producteur de sens pour transmettre images et mots par d'autres formats de médiation pour offrir ce que Laurence Schmidin nomme "un art de la conversation".
Pour sa première exposition individuelle en Italie, l’artiste genevoise présente des installations, vidéos et performances afin d'approfondir la narration de l’histoire de l’art telle qu’elle s’est établie. Elle la remodèle par la citation et la révision des biographies d'artiste, leurs histoires et leurs anecdotes.
Comme avec son livre d'artiste ‹Bzzz Bzzz Bzzz› où elle réunissait des images et des extraits de textes permettant de livrer une réflexion sur la notion de commérage et de cancan, elle montre ici comment l'art peut faire le "buzz" loin des chemins battus et sans recherche forcée d'exactitude. L'artiste ne prétend en rien à s'annexer le travail des autres ni même le détourner. Elle se contente d'amasser des anecdotes pour nourrir un "free art" très personnel plus amical que destructeur.
Jean-Paul Gavard-Perret
18:00 Publié dans Culture, Femmes, Genève, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
Mark Grotjahn à la recherche de la totalité insoluble
Mark Grotjahn, Galerie Gagosian, Bâle, 2019
Pour Mark Grotjahn le travail pictural est un moyen de créer des questions et tenter d'y répondre afin de trouver la paix. Certains diront que c'est là se compliquer la vie et se poser bien des problèmes. Mais les affronter permet à l'artiste et par ses peintures, sculptures et oeuvres sur papier de transformer le monde à travers un travail gestuel et géométrique. Chacune de ses séries - où les lignes déplacent le mouvement - répond à des influences héritées de l'histoire de l'art pour les subsumer.
Né à Pasadena en Californie et après des études à l'Université du Colorado de Boulder et celle de Californie à Berkeley il entame dès cette époque un de ses projet majeurs "Sign Exchange" (1993–98) qui sont des répliques aux signes qu'il découvre dans les boutiques de Los Angeles et qu'il va remplacer. En 2001 il commence sa série "Butterflies" : il y mélange divers perspectives dans des jeux de couleurs. Il poursuit ensuite des recherches de symétries et formes. Peu à peu il élimine tout aspect anthropomorphique dans ses oeuvres pour ne conserver sortes d'armatures visuelles - entre autres avec la série "The Masks". Tout devient lignes de rencontres comme peut-être le seul état acceptable de réalité.
Avec la série "Capri" commencées en 2016 les oeuvres deviennent de plus en plus expérimentales. L'artiste utilise une technique qui consiste à gratter des zones de peinture épaisse, puis à placer les masses semblables à des limaces dans des rangées et des grilles sur la toile. Il poursuit désormais et étend en les reprenant les séries antérieures en utilisant désormais Instagram et d'autres processus numériques pour multiplier répétitions, juxtapositions et variations. Le format de la grille organise librement les images en différentes combinaisons. Le langage de Grotjahn y est immédiatement identifiable et révèle toute la complexité de ses recherches de plus en plus radicales et à la poursuite d'une totalité insoluble.
Jean-Paul Gavard-Perret
08:55 Publié dans Culture, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
14/08/2019
Lorsqu'Anselm Kiefer quitte les cavernes de l'esprit
Anselm Kiefer "Livres et xylographies" édition par Gunnar B. Kvaran, Natalia Granero, art&fiction, Lausanne, 2019.
L’artiste allemand Anselm Kiefer a longtemps hésité entre l’écriture et la peinture. Si la seconde a pris la pas sur la première celle-ci ne disparait pour autant. D'une part le créateur a consigné dans un journal une recherche intimement liée à sa pensée et à sa pratique. Et par ailleurs ses 27 "livres d'artiste" entamés dès la fin des années 60 créent des sortes de récits - souvent "xylographiés". Ils ouvrent l'oeuvre à un art du récit et de l'impression en un autre "cadre" que celui de la toile.
Cette édition publiée à l'occasion de l’exposition "Anselm Kiefer. Livres et xylographies" par la Fondation Jan Michalski de Montricher et l’Astrup Fearnley Museet d'Oslo documente les liens que l’artiste entretient avec la poésie, les mythes, les récits sumériens et bibliques, les contes, l’histoire, la philosophie, la kabbale et l’alchimie.
Existe un grouillement de l'esprit en insertions multiformes. Un poudroiement dépendant de lignes, de figures et de formes s'ordonne suivant un ordre que l'artiste tire autant de ses lectures que de lui-même en marge de la raison claire. Une connaissance se fomente en descendant à la fois dans les lectures, la réalité et le songe. L'esprit de l'artiste évite ainsi d'être contaminé par la manie des concepts. Il apparaît ici à mi chemin de ses rêves et de la conscience. Il secoue des végétations de colonnes, des montagnes mentales et des frontons étonnés, le tout habité de fièvre.
Jean-Paul Gavard-Perret
10:36 Publié dans Culture, Images, Lettres, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)