23/03/2020
Patrice Vermeille : le furtif et le fuyant
Peintre et graveur, Patrice Vermeille pratique aussi le dessin numérique dont il est un des pionniers. Cet attrait pour le dessin assisté par ordinateur ne l’empêche pas de se référer aux œuvres anciennes, comme ses deux tableaux de 1976 en hommage à l’œuvre d’Anne-Louis Girodet.
L’artiste navigue entre des préoccupations classiques : espace tracé au nombre d’or, peintures où la présence du spirituel et du réel font référence aux théories de Kandinsky. Mais son langage se caractérise par la force d’un dessin acéré, tranchant, qui semble définir un espace de chaos là où les formes éclatent, sont en expansion jusqu'à sortir du cadre là où se distingue une sorte figuration ambigue, sans sol, ni horizon. L’épaisseur et l’estompé y jouent comme le prouvent ses illustrations de textes : "La mer anthropophage" de Xavier Déjean, "La moitié du geste" de Bernard Noël ou "L'aile froide" de Roger Caillois chez Fata Morgana.
Influencé par le réel, le dessin s'en dégage afin de faire jaillir de l'imprévu. Mais le doute existentiel est dépassé par des images qui deviennent des hypothèses vitales où le monde tente de se réanimer. Surgissent des lieux vides où des tables sont néanmoins dressées pour qu'une prolifération humaine viennent les animer.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:04 Publié dans Culture, Images, Suisse, Techno | Lien permanent | Commentaires (0)
22/03/2020
Thomas Ott : Melancolia 66
Le Zurichois Thomas Ott dessine donc en noir et blanc selon l'usage de la technique de la carte à gratter. Si bien que le noir domine puisqu'il reste toujours le fond de l'image et sa présence demeure comme par défaut. Dès lors sa "Route 66" est plus nocturne que solaire. Même lorsque sont atteints l'Ouest et ses déserts.
Les planches cinématographiques annoncent un monde perdu et qui ne reviendra plus. L'oeil parcourt des cases larges qui s'étendent souvent d'un bord à l'autre de la page mais tout en restant étroites. Cette réduction de type navigation à vue crée un univers étrange et le plus souvent muet - le texte est présent uniquement en tant qu'élément du dessin (pancartes, panneaux, etc.).
Une telle bande-dessinée par excellence road-moviesque est plus pour adultes que les enfants par son écriture et sa captation. L'univers est certes naturaliste mais le noir et blanc crée une distanciation. Nous rentrons dans les coulisses de la route 66. Elle dérape ici entre parkings et motels plus que dans des univers paysagers oniriques.
Jean-Paul Gavard-Perret
16:04 Publié dans Culture, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
L'homme seul du fleuve Sinú : Enan Burgos

Ses portraits de nus sont des plus fascinants. Le corps y est préféré au visage. En émane une sensualité appétissante. Le cheminement du désir est implicite et l'artiste le revendique non sans humour et en offrant une grâce particulière à un excès contre l’obscurantisme du monde. Preuve qu’Enan Burgos n’a rien d’un nostalgique. Il reste un peintre de la lumière et du rêve qui est l'antipode de la simple songerie.
Sa peinture est forte, violente, chargée et en dehors de tout effet de décor. Ni devant un corps ou un paysage mais dedans le créateur ne propose pas forcément un voyage en enfer mais au paradis terrestre. Il ouvre les plastrons de la chair jusqu’à en montrer les entrailles au besoin. Le corps reste le rappel du passé parfois léger et souvent douloureux mais encore de toujours l'espoir d'un futur à soulever .
Jean-Paul Gavard-Perret
Enan Burgos, "Nudité/Desnudez", Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 32 p..
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