15/11/2019
Linda Tuloup : Vénus à la fourrure
Linda Tuloup nous entraîne dans sa forêt des songes. Son peuple intérieur prend une nouvelle dimension. Entre paysages agrestes et alcôves. Qu’importe si la fusion dans le réel n’est pas au rendez-vous. Vénus semble naître de l’espace. Les filles du futur font partie d'elle.
Jadis des ogres ont voulu lui retirer la langue : elle la tire. Et comme l’escargot sortant les cornes elle débouche de sa coquille bien mieux et de manière plus perverse que chez les peintres de la Renaissance.
L’atmosphère est d’ambre et de clair-obscur. A la naissance de cette Vénus il existait une chaleur accablante selon les experts. Mais Linda Tuloup montre qu'il y existait là une erreur de pronostic quant à la nature de son feu. Un intrus brouilla les cartes qui donnaient l’atout.
La photographe remet les fantômes du plaisir en place pour saisir son mystère. Elle déduit du passé le futur. Et l'ombre engendre un recueillement, une attente qui montent vers le regard, là où le texte de Yannick Haenel s’enchaîne comme une réplique tellurique au désir des images, aux images du désir.
Jean-Paul Gavard-Perret
Linda Tuloup, "VÉNUS – où nous mènent les étreintes", texte de Yannick Haenel, Editions Bergger, 2019, 30 E.
10:14 Publié dans Femmes, Fiction, Images, Lettres, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
14/11/2019
Anne Perrin : maïeutique dans la région du coeur - ou pas loin
Ces deux livres forment une sorte de dyptique où la genevoise - par ailleurs technicienne de théâtre et réalisatrice - scénarise deux moments de ce qui est peut-être (sans doute même) le même amour : son évolution et sa rupture. Ses interprétations sont radicales sous un caractère qui pourrait sembler pathogène tant il existe pour elle le risque de se perdre. S'instruit en filigrane une interprétation par l'inconscient dans ce qui tient des paroles échangées et des états que l'auteure rapporte jusqu'à sa décision finale. Elle est moins une fin qu'une obligation de non ou ne plus voir et recevoir.
Le fascinant est que les deux protagonistes - chacun à leur façon - demandent à l'autre de ne pas accepter ce qu'ils offrent car ce n'est pas "ça". Les mots, les attitudes, les gestes ne sont pas forcément les "bons". Le désir est en morceaux et ces fragments amoureux en loques deviennent le résultat du jeu des "je" auxquels les amants se livrent. L'une est apparemment vaporeuse et déliquescente / Suave et obsédante". C'est la fée mutine au désir haletant pour celui qui rentre en amour de nuit et de manière oblique et qui facilement se défile.
Il existe chez la créatrice ce que Freud nomme "le travail du rêve". Mais celui-ci tourne au cauchemar eu égard à celui qui détourne et manipule, "perdu dans la contemplation de ses obsessions". Mais c'est ainsi que fonctionne en grinçant la machinerie d'un amour où rien n'est possible puisqu'il est plus enfermenent qu'ouverture. Tout se reïfie là où la femme a longtemps du mal à admettre la distance de cette folie sauvage à deux et d'une relation de soumission écrite au nom de l'amour mais pour se déprendre de son emprise. Comme Anne Perrin ne peut l'attaquer de front, l'écriture en devient la maïeutique. Jusqu'à - comme écrirait Lacan - "lalettre" finale moins alerte qu'adieu même si la femme n'a encore d'yeux que pour lui.
Jean-Paul Gavard-Perret
15:28 Publié dans Femmes, Genève, Lettres, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
Roger Plaschy : le corps et son interprétation
Roger Plaschy crée un langage qui repose sur le mouvement du corps. Ses panoptiques proposent des mises en scènes qui sont autant de mises en abîmes dans tout un jeu de circulations à la fois ludiques et archétypales. Le monde se transforme en narrations qui n'ignorent en rien le mouvement des sylphides.
Les panoptiques étirent le temps le plus court par leur effet de segmentation mais aussi de suite. Le réel à la fois paraît et disparaît dans une interperpration du réel autant par les scènes, que les séries. Un éloignement du point de contact possible avec un réel "donné" se crée là où ce qui est présent semble toujours au delà de ce qui est donné à voir.
Existe d'une prise à l'autre un phénomène de contamination qui oblige le regard à sortir de son assurance. Cela n'induit pas pour autant une frustration. Un inassouvissement, oui. Là où rien n'est "sage comme une image" le réel se met à flotter dans le flou où des fantômes érotiques hantent le regard afin que son histoire refuse d'atteindre une beauté "droite" pour aller moins vers le fantasme comme un taureau à la vache que dans une poésie de l'espace.
Jean-Paul Gavard-Perret.
08:53 Publié dans Culture, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (1)