28/10/2015
Chairs irritées, surfaces irritantes : Melissa Steckbauer
« Melissa Steckbauer », du 8 novembre au 19 décembre 2015, Skopia – Art Contemporain, Genève.
Les photographies et peintures de Melissa Steckbauer proposent à travers une galerie de portraits la vision désinhibée sur une sexualité complexe, comprenant entre autres, voyeurisme, domination, transsexualité et fantasmagorie. En choisissant les pratiques sexuelles comme terrain de démonstration, l’artiste lève le voile sur la complexité d’une nature que l’artiste nomma d’abord « camp » ( mot qui souligne à la fois le caractère exagérément efféminé d’un être et l’esthétique surfaite) et sur des univers fantasmés. Ce faisant, elle emmène au fond du creuset humain, dans des régions paradoxales où les personnes se sont réellement choisies et où elles dépassent leurs limites par divers « jeux » (transformisme par exemple). Ces apports intempestifs ouvrent le tableau et la photographie à une dimension viscérale, complexe et drôle. L’artiste « enseigne » comment il faut aller chercher chaque fois un peu plus loin le territoire qui de l’illusion fait plonger sur une spatialité à cheval entre le réel et le fantasme en une suite de girons qui s’écartent, se révulsent dans le jeu des actants.
Melissa Steckbauer rappelle combien nous sommes appliqués à effacer, à cacher, à brouiller nos traces et comment l’art peut les remettre au jour. Loin d’une broderie parodique, les silhouettes éloignent de la soustraction pour la remplacer par une addition. Les « ombres errantes » (Pascal Quignard) s’imposent sous ce qu’elles cachent. Chair irritée et surface irritante deviennent le moyen de franchir le pont entre le réel et sa re-présentation. L’artiste renvoie la peinture et la photographie à la consistance d’organes pleins de désir. Elles incarnent la “ corporéité ” par laquelle la matière travaille la réversion figurale et la logique habituelle du repli imaginaire en transformant le support en un véritable lieu “ morphogénétique ”.
Jean-Paul Gavard-Perret
14:15 Publié dans Femmes, Genève, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
Vu mais pas pris : Philippe Pache
Philippe Pache, « T’aime », exposition Krital Galerie, Carouge-Genève, du 29 octobre au 19 novembre 2015, « La lumière, le visage, le corps », Worshop, idem, 20, 21, 22 novembre 2015.
Pour Philippe Pache le corps brille par une certaine absence même si l’artiste y cherche la clé du paradis. Terrestre ce paradis quoique ambigu et complexe par le jeu de cache-cache que le Genevois propose. Il ne faut pourtant pas en tirer l’idée que le mâle est un loup pour la femmes. Toutefois l’artiste semble craindre que toucher à ses égéries risquerait de les « salir ».
Dès lors si dans l’œuvre le corps reprend la main. Celle du regardeur en est retirée. Par question de lui laisser gagner du terrain. Fantasme ou non qu’importe. Philippe Pache à la fois s’en moque et le prend au sérieux. Il met insidieusement les pendules à l’heure et tous les croyants d’accord en ouvrant les plastrons de la chair sans tout en montrer. En toute pudeur (ou du moins dans sa feinte) le photographe remonte pour nous des parcours amoureux sans faire oublier sans doute ceux qui les avaient précédés, ceux des jadis, des naguères. Mais l’artiste fait mieux en ses pirouettes subtiles. Par brouillage ou fragment le corps féminin reste allusif en l’appel du futur et le souvenir d’un passé édénique.
Jean-Paul Gavard-Perret
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27/10/2015
De fieffées « salopes »
« Salope ! et autres noms d'oiselles », Campus du Solbosch, , ULB Bruxelles, 13 novembre 2015 au 18 décembre 2015,
Sous le terme d’infamie « Salope ! » des femmes artistes européennes mettent à nu leur statut de « barbares », d’étrangères à la civilisation et ses pouvoirs. Tamina Beausoleil, Cécile Hug, Lara Herbinia, Cécila Jauniau, Sara Relvas et quelques autres rappellent par leurs contributions qu’elles ne connaissent pas de « salopes » mais des sœurs. Les injures des blasphémateurs sont considérées néanmoins comme « normales ». Ils accompagnent leurs pitoyables qualificatifs d’un terrorisme de tous les jours. En cravate ou jogging les donneurs de leçons de morale sont souvent des prédateurs et il n’est pas jusqu’aux alternatifs ou libertaires de se grimer en flics face aux femmes. Contre eux les artistes femmes serrent les coudes car la prétendue conscience du mâle reste souvent un concept flou. Et les coups des massacreurs achèvent encore trop souvent ce que leurs mots entament.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:25 Publié dans Femmes, Images, Résistance, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)