09/01/2015
Les cérémonies blanches de Patricia Glave
Patricia Glave offre une série d’images christiques. Elles renvoient toutefois plus aux images de la mère qu’à celles des pères créateurs. C’est dans les formes rondes que se cercle l’humanité sans pour autant que la figuration humaine préside à la destinée de son travail. La bâloise installée à Lausanne n’a pas pour l’homme les yeux de Chimène. Et dans une certaine froideur le désastre du monde reste évoqué loin de tout pathos. Souvent par la blancheur de ses images l’artiste tente de le laver à grande eau en jouant sur la finesse allusive. L’œuvre est subtile, de son mouvement à la fois étouffant et léger surgit un culte particulier. Il porte sur la nuit (supposée) de la féminité une étrange lumière froide mais pénétrante qui donne à chaque image sa vibration. Patricia Glave atteint une intensité de création qui précéderait l'aurore du langage, comme si le rond (même chargé d’épines) pouvait enfin échapper à la prise. Ne jouant jamais l'enchanteresse en sa théâtralité de sortilèges infimes la créatrice installe un univers neuf en revisitant des symboles. Celui-là finit par imposer en son horizon mystérieux et sidère. Il fait basculer les hagiographies votives en brisant les ascensions surfaites par une simplicité magnétique et un profond amour de la vie mais qui rappellent ce qui vient la tuer. Apparaissent aussi une intimité touchante et la raillerie profonde d'un monde que l’artiste traite à coup de "vanitatum vanitatis" dont elle multiplie les échos.
Jean-Paul Gavard-Perret
08:55 Publié dans Femmes, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
05/01/2015
Les pistes multiples de Rudy Decelière
Rudy Decelière par ses films, sons, installations et création d’images fixes en petits formats ou grands pans crée une confrontation avec l’espace. Il faut du temps pour appréhender de telles propositions. Elles imposent une confrontation communicante à longue haleine. Ceux qui trouvent de mauvaises raisons de ne pas s’arrêter ratent des séries de variations. Chaque œuvre tient le regard en respect et le fait avancer par l’invention d’une « visualité » ou d’une « choséité » qui ne s’adresse pas seulement à la curiosité du visible, mais convoque tous les sens. Des petites pièces surgissent un rut enfantin, un égrainement horizontal de figurines et une onction de salves où la mer semble avancer. Des pans de murs provoquent d’autres embarquements dont la destination pourrait être Cythère. S’y distinguent des seins qui éblouissent de leurs lumignons dont ils sont bâtis. Les formes dansent comme diluées dans l’espace mais au même moment elles provoquent une compacité. Elle peut donner au spectateur l’impression d’être soumis à une sorte d’immanence d’un état de rêve éveillé.
La matière à voir se transforme, passe de l’abstraction au figural selon divers types d’évidences lumineuses mais décalées. Si bien que chaque « pièce » semble un objet jamais atteint et qui échappe comme dotée de la puissance des choses insues. Rudy Decelière renvoie à une luminosité et une obscurité essentielle. Elle est le lieu d’un rite de passage où tout s’inverse et dans lequel le son n’est pas oublié. Il vibre à des cadences légèrement décalées comme si ses visages étaient d’aléatoires questions de fréquences et débits. Le regard tombe pour se dissoudre comme dans un brouillard de vif argent. L’art devient une figure du monde dans la partie qu’il joue avec lui. Il est aussi la fable du lieu où nous rêvons peut-être de glisser afin de briser notre façon de voir, d’entendre et de penser. Chaque regardeur peut éprouver de nouvelles sensations : marcher, regarder, sentir le corps séparé du reste du monde comme un adolescent qui « conjugue » un étrange bonheur sans justification.
J-P Gavard-Perret
15:08 Publié dans Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
04/01/2015
L’inconnu(e) dans la maison : Mylène Besson
Mylène Besson, Eros Bacchus, Humus, Lausanne jusqu’au 15 janvier 2015
Dans les dessins de Mylène Besson des mains de tendresses parcourent les galaxies des corps et des ombres afin de produire des voyages inter-sidérants et extratemporels. Des mains épousent des regards, cherchent l’étoile sur leurs paupières. A la volupté se conjuguent d’autes amours plus maternels. L’objectif est de chasser des nuages, d’entretenir des songes en frôlant le seuil de diverses intimités. Adam veut Eve. L’inverse est vrai aussi. Ils ne sont pourtant ni conquérants ni vénéneux. Ils cherchent la source qui a comme nom l’existence. Ou plutôt le désir. C’est pourquoi les mains serpentent jusque dans la caverne obscure. La lumière descend jusqu’au corps enfermé dans la pudeur du lin. Le dessin creuse le « o » et le « où » du corps dans le tracé des formes. Il existe des accords en mode mineur ou majeur. Se fomentent le début et la couture du temps, le mystère englouti de la vie là où elle semble partir en vrille. On se retrouve au cœur du temps où passe en boucle le passé. L’avenir n’est plus que cet éclat qui eut dû se produire antérieurement ou plus près de l’origine. Dans l’étrange phénoménologie des dessins se lient la présence et l’absence en un théâtre aussi brûlant que glacial. Il creuse le temps en tout sens. Il s’agit de résister et faire semblant de rester debout face à ces femmes qui nous montrent comment se tenir et qui , par leur regard , disent l’inconnu en elles, l’inconnu en nous.
Jean-Paul Gavard-Perret
07:16 Publié dans Femmes, France, Images, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)