01/05/2020
Chervine : solitudes à New-York sous le Covid 19
Chervine a été révélé en Suisse : le Musée de l'Elysée publia sa série "Solitudes" dans son magazine "Else" en 2017. L'artiste subjugua les visiteurs lors de son exposition à la Nuit de la Photo de La Chaux de Fonds par la théâtralité de ses narrations à la lumière particulière.
Elle prend tout son sens en la série réalisée à New-York - où l'artiste d'origine iranienne vit désormais - au moment de la vague de Corona Virus dans la métropole. Ses superbes tirages sur papier baryté sont désormais révélés par la galerie Esther Woerdehoff. Chervine est devenu l'inventeur d'une poétique de la ville. Celle-ci "change moins vite que le coeur des mortels" (Baudelaire).
Porter la photographie vers le noir ne revient pas à nier ce qui se passe dans la cité ou tout effacer. C'est suggèrer des vies de grande solitude entre être et ne pas être là où soudain ne reste que pouvoir autre chose que des peut-être. Les silhouettes se distinguent sans apparaître vraiment. Ne demeurent que des pans de luminosité cristalline pour ouvrir les poumons malades de la ville. Mais c'est une manière de voir à travers les ténèbres au moment du naufrage dans l'éblouissement de la fin ou du début
Jean-Paul Gavard-Perret
10:53 Publié dans Culture, Images, Monde, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
15/04/2020
Les villes de grandes solitudes d’Allen Wheatcroft
Quoi de plus simple en apparence que les clichés d’Allen Wheatcroft ? Pour explorer le monde comme il le fait dans "Body Language" il semble suffire de placer un appareil dans la rue et de shooter ce qui s'y passe. C'est du moins ce que les prétendus photographes dénués de regard estiment. Allen Wheatcroft à l'inverse cherche toujours à réaliser juste quelques images signifiantes.
Les acteurs des étranges cités sont captés entre équilibre et déséquilibre, le haut et le bas, la connexion et la séparation, l'isolement ou la tension. Mais de ces "modèles" improvisés le photographe comme le regardeur ne les connaissent que par leurs gestes et les sentiments supposés qui les animent : douleurs, plaisirs, ambitions etc..
Dans ce but entre 2014 et 2018 Allen Wheatcroft a pacouru Chicago, Los Angeles, Berlin, Paris et Stockholm pour saisir ce langage des gestes et des attitudes. Il est donc transposé dans celui de la photo curieusement narrative. Chacun est amené à se demander "l'histoire" qui sous-tend les gestes de quidams indifférents à tous les autres. Cela semble le fruit des civilisations sans exclusivité mais demanderait un approfondissement.
Jean-Paul Gavard-Perret
Allen Wheatcroft, "Body Language", texte de Jeff Mermelstein, ed. Damiani, 2020
09:39 Publié dans Culture, Images, Monde, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
09/04/2020
Tania Franco Klein : l'épreuve du quotidien
L’artiste mexicaine Tania Franco Klein a commencé sa pratique de la photographie à Mexico City puis à l’Université des Arts de Londres. Sa série la plus célèbre est "Our Life In The Shadows". Elle est influencée par la poursuite du mode de vie du rêve américain et les pratiques occidentales contemporaines : loisirs, consommation, "stimulation" des médias et les séquelles névrotiques qui en découlent.
Tania Franco Klein souligne une atmosphère d’isolement, de désespoir de confinement (avant la lettre) et d’anxiété, à travers des images fragmentées et souvent décadrées. Elles semblent naviguer entre le rêve (ou le cauchemar) et la réalité. De telles narrations présentent des états d’épuisement et de fatigue en des intérieurs à la Edward Hopper : salon et autres pièces vides où la télé parfois est restée allumée.
Les prises sont marquées chez les protagonistes anonymes. Les femmes cherchent à se fondre dans les lieux tout en regardant vers le dehors pour chercher une forme d'évasion mentale qui paraît impossible. Les photos couleurs soulignent l'aspect sobrement dramatique des prises qui fascinent. La vie domestique, la solitude la passivité sont là au sein de couleurs tièdes et une ambiance autant vintage que de vertige. Surgit la beauté de cette humanité délaissée prise dans un vide existentiel. La vie semble absente car plus rien n'est possible qu'une passivité programmée par la société. Mais nul mélo en de telles monstrations : l'angoisse domine là où la psychologisation s'exclut astucieusement : les visages cachés donnent plus de valeur mythologique aux prises.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:23 Publié dans Culture, Femmes, Images, Monde | Lien permanent | Commentaires (0)