27/11/2017
Jacques Olivar et le déjà vu
Jacques Olivar vogue sur une vague désormais bien connue. Elle est le résultat de la marée montante - depuis des décennies - de la photo de mode vers la photo d’art. Elle fut initiée par de brillants créateurs américains (Helmut Newton bien sûr) mais aussi des français comme Maurice Renoma et Guy Bourdin qui ont accéléré ce processus. Jacques Olivar reprend donc cette mode avec des mannequins stars (Christy Turlington, Helena Christensen, Eva Herzigova, etc.) et des atmosphères cinématographiques hollywoodiennes revisitées par Wim Wenders par exemple.
Néanmoins le travail d’Olivar est ambigu et déceptif : de fait chez lui la photo d’art se réduit à une photo de mode par manque d’imagination et dans un pur jeu de reprises d’une esthétique devenue un poncif. L’extrême soin de la mise en scène et le jeu des couleurs prouvent une maîtrise - mais presque trop. Le style photographique est une surinterprétation du cinéma Américain.
Reprenant des univers à la Hitchcock, Kazan, Ray, Lynch, Van Sant, le photographe ne fait que répéter les visions archétypales qui jouent du sordide et du merveilleux. Le photographe demeure plus un faiseur, qu’un défricheur, un héritier plus qu’un créateur. De telles images incarnent l’ordre esthétique établi. Elles s’y soumettent par incapacité à un véritable travail d’interprétation. Ne restent que la passion des semblants, le caractère artificiel par manque d’un langage propre. L’artiste se contente d’honorer un “ contrat ” tacite signé avec les cinéastes du passé.
Jean-Paul Gavard-Perret
Jacques Olivar, « Another day in paradise », Galerie Artcube, du 3 novembre au 9 décembre 2017.
12:20 Publié dans Images, Médias, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
04/11/2017
Doubles jeux de Mathias Piñeiro
Le cinéaste argentin Matías Piñeiro en dix ans a déjà réalisé une série imposante de films qui oscillent entre création artistique et expérimentation formelle. Ils sont tirés de classiques de la littérature : de Domingo Faustino Sarmiento (humaniste du XIXe siècle et président de l’Argentine) aux pièces de William Shakespeare (avec la série « Las Shakespeariadas »).
Ces œuvres ne sont en rien de simples adaptations mais ce que leur auteur nomme des « variations », « extensions », « profanations », « contaminations » ou « désacralisations » des textes de bases mis en situation contemporaine. Matías Piñeiro mixe les langages du théâtre, de la littérature et du cinéma : l’art, la musique, l’amour et le jeu des acteurs s’imbriquent dans une harmonie labyrinthique.
Chaque film devient un défi et une déclinaison. L’artiste choisit une œuvre pour la développer comme épreuve du temps et dans le refus d’un maniérisme trop léché. A l’emphase l’Argentin préfère la retenue, l’humour discret et, au procédé narratif, le champ de fouille de destins dans un langage volontairement décalé. Ce glissement habile, impertinent, surprenant mais léger n’empêche en rien l’émotion – bien au contraire.
Jean-Paul Gavard-Perret
Matias Piñeiro, « Pour l’amour du jeu », Le Jeu de Paume, Paris, du 7 novembre au 21 novembre 2017
09:20 Publié dans Culture, Images, Médias | Lien permanent | Commentaires (0)
31/10/2017
Peter Knapp : ivresse cinétique et chorégraphique
En 1966 Peter Knapp abandonne définitivement la peinture pour la photographie. Elle répond bien mieux à ses intensions. Mais son aventure avec le médium commence avec Hélène Lazareff dès 1959. La directrice de presse reprend le nouveau magazine « Femina ». Elle offre à l’artiste la direction artistique de ce qui devient « Elle ». Mais le Suisse reste familier d’autres publications ("Stern", "Sunday Times", "Vogue") où il publie aussi ses photo de mode avec succès avant d’aborder le cinéma et la télévision puis de revenir à la photographie en plasticien pour Peter Klasen, Andy Warhol et Robert Rauschenberg au sein de l'exposition «les peintres photographes» d'Arles.
Soutenu par Pierre Restany, il est l'un des premiers artistes à exposer des photographies en couleurs et de grande taille dans les galeries. Son style se caractérise par une grande rigueur graphique dans l’esprit du Bauhaus hérité de ses études d’art à Zurich. Les formes à la fois se cristallisent et se dénouent pour donner une intensité picturale et vitale aux images. Knapp ne cesse de les défaire et de les recomposer.
La ligne et le géométrisme restent majeurs dans ses structures plastiques. Et il aime parler de son médium sous l’acception « Photo & Graphique ». Toujours à la recherche de la simplification il édulcore astucieusement le volume et la perspective. A la recherche du moindre ses photographies noir et blanc pour Courrèges comme ses scénographies colorées pour Montana demeurent des musts qu’une telle exposition remet à l’honneur. Knapp a ouvert bien des chemins là où les modèles semblent perdre pied et lâcher prise dan une féerie jubilatoire.
Jean-Paul Gavard-Perret
Peter Knapp, "Quand la photographie de mode devient Art", Galerie Berthet-Aittouarès, 2 au 19 novembre 2017.
14:58 Publié dans Culture, Femmes, Images, Médias, Suisse | Lien permanent | Commentaires (1)