22/03/2020
L'homme seul du fleuve Sinú : Enan Burgos

Ses portraits de nus sont des plus fascinants. Le corps y est préféré au visage. En émane une sensualité appétissante. Le cheminement du désir est implicite et l'artiste le revendique non sans humour et en offrant une grâce particulière à un excès contre l’obscurantisme du monde. Preuve qu’Enan Burgos n’a rien d’un nostalgique. Il reste un peintre de la lumière et du rêve qui est l'antipode de la simple songerie.
Sa peinture est forte, violente, chargée et en dehors de tout effet de décor. Ni devant un corps ou un paysage mais dedans le créateur ne propose pas forcément un voyage en enfer mais au paradis terrestre. Il ouvre les plastrons de la chair jusqu’à en montrer les entrailles au besoin. Le corps reste le rappel du passé parfois léger et souvent douloureux mais encore de toujours l'espoir d'un futur à soulever .
Jean-Paul Gavard-Perret
Enan Burgos, "Nudité/Desnudez", Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 32 p..
09:15 Publié dans Culture, Images, Lettres | Lien permanent | Commentaires (0)
20/03/2020
Lorsque Gustave Roud se sentait plus léger
Ce livre rassemble les chroniques que Roud donna à la revue suisse "Aujourd’hui" où étaient présents à ses côtés Ramuz et Cingria. Les 3 ans que durèrent la revue (1929-1931) épousent les moments les plus apaisés de l'auteur et y apparaît un sourire que le reste de l'oeuvre ignore. Qu'on pense par exemple à 'Haut-Jorat" où l'auteur révèle des secrets à voix obsccure mais dont le mystère reste caché.
Ici tout est plus léger. Le jeu littéraire se situe au-delà de la zone des sentiments et se sert du temps de l'époque comme matériel là où le poète engage n’engage que son esprit. Sans faire de concession à ses exigences, il s'extrait des miasmes qui le hantent. L’admirable traducteur des romantiques allemand et poète avance ici d'un pas plus léger. C'est une manière de retrouver, par la bande et en chemins d'écart, une oeuvre qui reste confidentielle et presque secrète autant dans ses poèmes que ses photographies.
Surgit - pour un temps - la promesse d'un autre horizon, d'une autre aventure à la fois plastique et existentielle. Les textes engendrent des ouvertures et offrent un moment pour la légèreté , un autre pour la réflexion là où Gustave Roud apprend à filer provisoirement à l’anglaise au delà de ses tourments.
Jean-Paul Gavard-Perret
Gustave Roud, "Écrit à Carrouge", editions Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 112 p.
12:30 Publié dans Lettres, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
19/03/2020
Charles-Albert Cingria poète émerveillé de Paris
Celui qui se nommait «chat sauvage» ou encore «monsieur en complet gris suivant les nuages» semblait écrire à la va comme je te pousse. Il pouvait multiplier plusieurs versions d'un même texte sans que puisse être découvert laquelle était la définitive : preuve que l'auteur était un virtuose des mots.
Inclassable et paradoxal, pédaleur encore plus véloce que Jarry, ami de Claudel, Jouhandeau, Max Jacob, de Cocteau et de combien d'artistes, il fut considéré par Jean Starobinski comme "un des meilleurs peintres de Paris". Aria del Mese le prouve. Après avoir voyagé en Europe et en Afrique et avant de retrouver sa Suisse natale, Cingria s'établit dans la capitale française où il. publie des chroniques dans La Nouvelle Revue Française. Dans ce texte il décrit Paris commme "une ville où on voit tout d’un coup des choses comme ça : un papillon qui sort du cerveau d’une statue, puis s’élève d’un lourd vol vaseux, puis plane."
La ville est plus belle dans ses évocations qu'elle ne l'était réellement à l'époque. Cingria y voit de l'or sur les façades et "de l’herbe tendre, de belles meules éternelles" pas très loin de là. Voire... Mais se retrouve là son aptitude aux évocations émerveillées qui rendent son monde et son écriture incomparables."Aria del Mese" devient une boîte à surprise sur une table de nuit. Mais elle contient bien autre chose que des babioles. Sous un ciel magnanime s'y découvre d’étranges fleurs plantées dans le désordre. Sous l'eau tarie des fuites des toits de Paris les odeurs stagnent en mille sources d'inspiration.
Jean-Paul Gavard-Perret
Charles-Albert Cingria, "Aria del mese, Fata Morgana, Fontfroide le Haut, 80 p.
(dessin d'Alechensky pour "Carnet du chat sauvage").
21:20 Publié dans Culture, Lettres, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)