01/10/2015
Stephen Prina le traducteur
« Stephen Prina » , Kunst Hall, Saint Gall du 26 septembre au 29 novembre 2015.
Issu d’une famille d’immigrés italiens Stephen Prina caressait l’idée de devenir avant tout un architecte. Mais il s’oriente vers ses deux attraits originaux : la peinture et la composition musicale. Celui qui fut un jeune prodige et touche à tout est resté toujours proche des cultures « junkie » et savante. Il découvre dans les théories d’Adorno - entre autre ses recherches sur Wagner, le concept de « Gesamtkunstwerk » et l’idée d’un art total. Manière pour lui de synthétiser les pratiques et de trouver une pratique esthétique des plus ouvertes. A ce titre, et à coté de la musique, il crée très tôt une série toujours en cours "Exquisite Corpse: The Complete Paintings of Manet" (1988 - …) constituée à ce jour de 556 diptyques à partir de l’œuvre du peintre français. Prina y fait la jonction entre une technique classique et une sorte de provocation par rapport à l’histoire de l’art et des maîtres européens selon une vision héritée de l’art américain post-war (des abstracteurs aux minimalistes dont Tony Smith).
L’artiste traite avec autant de sérieux les arts plastiques que la musique : pour lui du « Concerto for Nine Instruments » de Webern au « Purple Haze » d’Hendrix il n’y a qu’un pas. Il ne peut donc séparer les différents arts qu’il réunit de manière lyrique dans son film « The Way He Always Wanted It II » (2008). Ce film est aussi un portrait de la Ford House et de son créateur : Goff (1904-1982). Franchissant le seuil de la « Ford House » Prina prit conscience de son incompréhension première de l’œuvre de Goff. Son film répare cette bévue. D’autant que la musique en fragments de Goff inclut des éléments hybrides dans l’esprit de Conlon Nancarrow. Le film lui-même devient une œuvre aussi limpide que subtile dans ses agencements et fragments. Dans son travail Prina cultive des allégeances mais tout autant une autonomie créatrice. L’œuvre se veut comme il l’écrit une « traduction » de divers influences et langages. L’artiste ne cesse de l’explorer et il la signa de manière ironique dans une œuvre de 1992 : « I Am But a Bad Translation ».
Jean-Paul Gavard-Perret
11:18 Publié dans Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
29/09/2015
Images et sons : Andrea Bianconi
Pendant une performance de dix minutes qu’il produira plusieurs fois Andrea Bianconi va rester avec plusieurs appareils stéréo autour de lui. Ils vont jouer chacun et en même temps différents titres toujours significatifs dans la vie de l’artiste. Michael Jackson, Luciano Pavarotti, Aretha Franklin, Domenico Modugno, Bob Dylan, Gloria Gaynor et Eugenio Finardi seront les héros d’une « fable » par laquelle le créateur cherche une symphonie sonore : l’ordre y règne mais il est renversant. C’est un théâtre chimique et alchimique. Le « spectateur-auditeur » glisse d’un inconnu vers un autre. Il y a des arrêtes, des plis, des vallons sonores. En surgissent parfois de la pure cacophonie, parfois des épisodes harmoniques dont les pointes dressent leur pal. L’œuvre développe une suite de plages intermédiaires et de changes. Le trajet de la performance est la base d’un trajet sonore et visuel. La difficulté d'en parler tient à ce réel et ce virtuel. Existe le déplacement de l'un vers l'autre mais un déplacement-instant et dans le présent. La performance le fixe sans pour autant retenir vraiment. Celui dont les ailes ont poussé et qui se veut proche d'Houdini recherche donc toujours l'émission de formes ou de sons intempestifs. Ils traduisent le réel tout en le détournant de ses assises. Ce déplacement impose un complet dépassement. Il fait émerger de l’autre : le machinique, industrialisé, préenregistré comme le plus sauvage qui en échappe en de telles confrontations.
Jean-Paul Gavard-Perret
Andrea Bianconi « Too much », performance sous l’égide de Barbara David Gallery au George R. Brown Convention Center, Texas Contemporary Art Fair, Houston, Octobre 2015. Le CD - produit par Barbara Davis Gallery et Andrea Bianconi - “ My Song” reprend les 7 morceaux de la performance.
12:22 Publié dans Images, Monde, Musique | Lien permanent | Commentaires (0)
28/09/2015
Facéties et vertiges d’Heinrich Lüber
« Focus Heinrich Lüber », Centre Culturel Suisse de Paris, à partir du 6 octobre 2015.
Heinrich Lüber poursuit depuis des années un travail de performance qui vise à positionner le corps dans l'espace, créant des relations incongrues avec l’environnement architectural ou naturel. Il crée des mises en scène magistrales en se mettant en scène dans des situations souvent extrêmes - sur des façades d’immeubles, sur des toits, fixé à des structures. Prenant la forme de tableaux vivants, les performances impressionnantes montrent le corps de l’artiste en différentes postures. Toutes défient toutes les lois de la gravité. L'artiste y semble parfois en lévitation sur une façade d'immeuble par l'intermédiaire par exemple d'une grosse boule blanche qu'il n'effleure que du bout des lèvres.
De tels tours de passe-passe, de trompe-l'œil - qui semblent des trompes la mort - donnent l’impression de repousser les limites physiques tout en questionnant avec humour l’état humain. Les performances mettent la perception des spectateurs en suspens là où l’artiste ne cherche jamais à donner de réponses. Heinrich Lüber se veut simplement un conteur d’histoires « courbes ». Elles sont éloignées autant de la pesanteur que de la raison. Le plasticien propose donc un tournant et une alternative nouvelle à la performance dont les figurations prennent une forme de monumentalisation intempestive ou/et de farce.
Jean-Paul Gavard-Perret
10:31 Publié dans France, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)