21/12/2020
Anne Rochat : le corps, l'espace, le temps
Anne Rochat. In Corpore, Espace Projet, Musées des Beaux Arts Lausanne, du 11 décembre 2020 au 14 fevrier 2021. Monographie de 152 p. à paraître chez art&fiction, début mars 2021 avec des textes de Jean Rochat, Olivier Kaeser.
Anne Rochat présente dans cette exposition un panorama de son travail de ces dix dernières années. La majorité des oeuvres est constituée de performances en réponse à des situations et des lieux dans lesquels l'artiste fait - comme elle l'écrit - "l’expérience sensible du déplacement, de l’inconfort, de l’exotique, du dérangeant ou de l’étonnant puis de chercher à en restituer la substance dans une forme incarnée dans un corps" qui généralement est le sien.
Certaines des performances visibles ici furent réalisées à l'origine face à un public et sont reprises en différé grâce à la vidéo. D’autres, réalisées par l’artiste en solitaire sous le nom de son alter ego Doris Magico, n’existent dès le départ que par la captation vidéo. Anne Rochat y détourne des objets de leur usage quotidien, dans une atmosphère entre le burlesque et l'inquiétant pour capturer le souffle de vie d’un corps plongé dans le contexte particulier de diverses expériences sensorielles.
La créatrice rassemble donc en un seul lieu des espaces géographies - de l’Amérique latine à la Chine, de l’Inde à la vallée de Joux. La présentation de l'exposition est réactualisée par le renouvellement des vidéos toutes les trois semaines pour mieux faire ressentir l'importance des mouvements et des flux dans un seul travail de recouvrement et dénudation à l'épreuve du temps. La plasticienne y essaye des possibles contre l'harmonie. Elle lui préfère toujours la dysmorphie colorée qui devient (comme Doris Magico) sa soeur jumelle au sein de cette divagation fantaisiste loin des perceptions compassées.
Jean-Paul Gavard-Perret
21:33 Publié dans Femmes, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
Maurizio Molgora : mirages
Maurizio Molgora cherche à investir le réel par différents types de bordures. Ce qui donne parfois au réalisme un certain potentiel psychédélique sans souci de purisme et pour créer ce qu'il nomme un "punk photographique" capable de décadenasser les visions classiques en remplaçant une beauté muséale par des schèmes moins parallèles.
Son œuvre est liée au phénomène de l'intervention des progrès technologiques et à l’évolution des moeurs auxquelles est confrontée un monde plus ancien. L'écriture photographique parvient au dépouillement et témoigne de l'attrait pour le détail et la nuance. Des sortes de plans de coupe donnent à la mise en scène une respiration et une dimension particulières. Il existe dans ces choix un sens incomparable de l’espace et de la présence humaine le plus souvent hors champ.
Le photographe sait creuser des formes narratives contre le simple récit. Et l'apparent statisme de l'œuvre cache de fait une dynamique fondée sur le sentiment du cours absolu du temps et de sa perte. De telles prises regardent les spectateurs autant que ceux-ci les regardent. Un peu comme cela se passe dans notre existence : ce que les vivants en comprennent, c'est lorsqu'ils en perçoivent l'absence, bref lorsqu'il est trop tard. Reste en effet dans notre regard bien du mal vu et de l'oubli que Molgora réanime
Jean-Paul Gavard-Perret.
10:03 Publié dans Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
20/12/2020
Clovis Paul : photographie et contre pouvoir
Né à Vevey Clovis Paul fut d'abord attiré par la recherche historique et documentaire mais se retrouve ouvrier dans l’industrie et la logistique, avant de devenir photographe professionnel en 2012. Il s'intéresse d'emblée aux mouvements sociaux et aux situations des déshérités et il révèle des situations limites qui soulignent bien des ruptures et des antagonismes.
Ses reportages le mènent d'abord à Bruxelles pour montrer le mouvement «No Border», actif envers les discriminations faites aux personnes immigrées et le second sur le squat du Gesù, et le logement de personnes précaires ou déclassées. Se dirigeant vers le phénomène migratoire il va ensuite en Sicile , retourne en Suisse (Lausanne, Chiasso) puis va en France pour montrer le mouvement des "Gilets jaunes" et à Calais où les émigrés demeurent autant en carafe qu'en transit.
Axés sur les mouvements de protestations et après un stage de perfectionnement à l’Ecole supérieure de photographie de Vevey il a conquis de nouveaux outils pratiques et a élaboré des stratégies théoriques propres au champ de l’art conceptuel critique et politique. Il trouve désormais un langage propre à renforcer son travail. La photographie est donc pour lui un contre-pouvoir face à toutes les idéologies qui entretiennent séparatismes et inégalités sociales.
Jean-Paul Gavard-Perret
08:51 Publié dans Culture, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)