17/01/2019
Deep Velvet : Martine Aballéa
En rehaussant de violet (principalement) ses photographies du réel (intérieurs, villes, nature) Marine Aballéa crée des visions oniriques en rien romantiques. Chaque espace s'y trouve décalé, réécrit dans ce qui tient d'un feuilleton photographique (« Le musée des amours ») ou de simples éléments isolés. Le dépréciatif comme l'ornemental y prend une nouvelle valeur aux moments où les décors (toujours vides) perdent de leur superbe.
L’imaginaire de Martine Aballéa renvoie la réalité à une fin de non-recevoir dans une quête du jardin d'Eden. Néanmoins le paradis terrestre qui n'est jamais où il pourrait se trouver. Les marqueurs premiers du réel s'y trouvent décalés. Si bien que peu à peu le réel tel que nous le connaissons semble tout compte fait une vue de l'esprit dont la validité est partielle.
La poésie de telles images d'insoumission (subtile) ne repose jamais sur le farniente. L'artiste retourne la face du monde même lorsqu'il est classieux. Les évidences coloriées acquièrent une propriété irréversible. Entre fugue et déphasage optique la photographie vide la raison de son sens et le monde de ses habitants en leur donnant un fléchage alternatif.
Jean-Paul Gavard-Perret
(voir le site de l'artiste)
12:29 Publié dans Femmes, Images, Monde | Lien permanent | Commentaires (0)
16/01/2019
Résurrections : Jean Baptiste Née
Jean-Baptiste Née, "Derrière la brume", Galerie Ligne Treize, Carouge-Genève, du 12 janvier au 15 février 2019.
Le temps passe mais - sur les montagnes - l'ombre reste le berceau de la vie. Ou plutôt son écrin. C'est pourquoi si J-B Née ne dissipe pas les brumes il montre ou suggère ce qui s'y fomente et se cache derrière. Chaque gouache sur papier propose un souffle indéfinissable. Il diffère le réel afin d'inscrire une légende. Elle emporte.
En absence de jour le paysage n'est pas pour autant orphelin. Il neige de noir dans la crevasse des souvenirs. L'oeuvre devient une suite de flocons sombres. Ils demeurent inconsistants car une lumière sourde y rayonne. Quand la nuit tombe, J-B Née la troue : elle est repoussée par vagues. D'un côté l'artiste contemple le ciel, de l'autre il scrute la terre. Nous sommes soumis à des glissements progressifs. Il n'existe pas d'arrêt. Juste l'attente. L'interminable attente : bordures et nudité.
Chaque image compose un éparpillement des brumes. Peu peu le paysage entre dans le regard. Preuve que l'absolue lumière cache l'essentiel. S'infuse la séparation entre les paysages tels qu'ils sont et tels qu'ils deviennent dans cette proposition de voyance. Le mensonge des apparences fond avant que la lumière diffuse une image trop nette qui ferait oublier des mystères et des secrets d'abîmes et de cimes.
Jean-Paul Gavard-Perret
10:25 Publié dans Culture, Genève, Images, Nature, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
André Kasper : distances de séparation
André Kasper, "Peintures", Galerie Humus, Lausanne, Février 2019.
Pour André Kasper le femme est un territoire (presque) interdit et suave. Leur présence crée implicitement le surgissement d'un certain renoncement tant les modèles baignent dans l'ennui. Existe dans leur apparence une forme d'épuisement même s'il faut bien qu'un jour leur vie commence. Leur regard n'est pourtant jamais enfermé dans le regard de l'autre même si leur attente les porte sur un lit, une banquette ou derrière une vitrine
L'artiste crée des visions parfois frontales et presque "naïves" mais à l'inverse la peinture s'abandonne parfois au mouvement sinueux de la nudité. Des murs d'une chambre ou une vitre protègent de telles présences en leurs débris d'insomnie autour des écrous noirs du temps là où ne se défont pas forcément les cambrures. Nul ne sait ce que de tels modèles représentent pour le peintre. Apparemment il ose s'y perdre car il y a dans leurs silhouette ce qui le fait vivre et anime son imaginaire prégnant, mystérieux, aussi érotique que sévère.
Peindre de telles femmes revient pour Kasper à leur chuchoter des mots. Les silhouettes refusent souvent d'entrer dans le vif du tumulte intime. Chaque portrait à la fois rapproche et sépare. Le regardeur reste seul avec son désir et son rêve. Face à de tels portraits il demeure au mieux un bois flotté. Au pire une épave. Il ne s'en défend pas. Mais qu’importe : seuls les corps secs et les têtes froides songent à sauvegarder leur dignité dans la dévastation ou la sidération implicite que produit la vision de telle femmes.
Jean-Paul Gavard-Perret
07:39 Publié dans Culture, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)