27/02/2019
Miriam Cahn : visagéités
Miriam Cahn ne cesse dans ses travaux d'explorer les champs politiques et sociaux. Ses écrits accompagnent étroitement son travail. Mais ils servent aussi à commenter les événements de l'art en général. Hatje Cantz présente le premier volume de sa correspondances et de ses textes écri
ts pendant quatre décades. Le poids de l’Histoire n’est jamais loin dans ses écrits comme dans la force directe du marquage de ses visages particuliers et lumineux.
Ils sont visibles en ce moment au Kunstmuseum de Berne dans son exposition "I As Human" et plusieurs autres sont programmées dans toute l'Europe au cours de 2019 (Munich, Varsovie, Madrid entre autres). De tels portraits semblent résister à l’usure des ans et brouillent les temps. Et l’artiste de préciser ; « nous étions vieux plus vieux regardant les jeunes jeunes plus jeunes regarder les jeunes plus jeunes en tant que vieux plus vieux ». Preuve que le naturalisme en art n’a rien de solide et convaincant. L’effet dramatique de l’art passe par une autre ambition et mutation.
Jean-Paul Gavard-Perret
Miriam Cahn, "Writing In Rage", Hatje Cantz, Berlin, 2019.
09:18 Publié dans Femmes, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
26/02/2019
Gédéon et le roman du renard - Keith Donovan

Keith Donovan poursuit son travail d'iconoclaste en ouvrant un nouvelle étape : il s'intéresse ici à Benjamin Rabier, personnage étrange et mystérieux de la bande dessinée et de l'illustration au début du siècle dernier. Il créa entre autre la célèbre image "La vache qui rit" et les histoires du canard Gédéon.
Avec lui, l’univers pictural de Keith Donovan se fraye un passage dans l’entre-deux du figural et de l’abstrait avec un sens marqué à la fois de l'expérimentation et de l'humour. S’y jouent des apparences inconnues et les impressions complexes que celles-ci peuvent ouvrir. Le tout avec l'espoir que tout regardeur se couchera moins bête que la veille à la clarté de la lune. Les illustrations du temps passé ne sont en rien reproduites. Le travail est composé de formes organiques et animales à la fois.
Les références voguent en une sorte de freak show. Se crée un "naturalisme" d'un nouveau genre au sein de collages. Ils "gardent la belle nature grasse des dessins de Rabier" précise Donovan. Néanmoins et loin de tout propos intellectualisants, l'artiste propose d'étranges rébus. Ils prouvent que la cervelle de l'artiste est rarement flemmarde. Quoique expérimentale l'oeuvre garde beaucoup d'humour et fait également penser à ces moments où l'on ne prend pas le temps de considérer les questions ou qu'on ne les a tout simplement pas comprises.
Jean-Paul Gavard-Perret
08:29 Publié dans Culture, Genève, Humour, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (1)
25/02/2019
Les études humanités de Caroline Nasica
Avec ses "intimes fragments" Caroline Nasica crée sa "Comédie Humaine". A l'inverse de celle de Balzac elle se passe de tout décor et se définit par une obsessionnelle quête de la vérité des corps et des visages, des peaux, des êtres. Vérité impénétrable et revêche, qui se défile sans cesse comme elle se dérobe, et qui pourtant affleure en de courts moments privilégiés. Caroline Nasica sait les attendre voire les solliciter. D'où cette une saisie du quotidien où l’humain s’inscrit en une galerie de portraits naturalistes, graves, drôles et toujours bienveillants. Existent à côté des fragments de lieux eux aussi intimes - à savoir ceux de la vie de la photographe - mais offerts sans la recherche de l'effet.
L'ensemble permet d’atteindre une vérité qui n'est pas d'apparence mais d'incorporation temporelle. Dans leur diversité les portraits proposent une série de déplacements de la fonction d’instantané, d’encoche définitive, de marque fixe qui dépassent l’ordre de la mélancolie. S'y dégage la dominante du temps humain pris entre deux marges suivant les clichés : la presque enfance et le presque quatrième âge. L’artiste en expose les bouts comme les intervalles.
Chaque sujet apporte son flux d’opacité. Loin de tout «sfumato» ou de simple effet d’icône le corps se dévoile dans une lumière sans concession au moment même où parfois les modèles se déshabillent. Conscients des séances de prises ils n'éprouvent aucune obligation de « présentation ». Chacun d’eux ne semble ni craindre ni désirer la prise : il l’accepte sans cherche à ruser avec l’objectif. Pas plus que Caroline Nasica ne ruse avec ses modèles ou avec elle-même.
Jean-Paul Gavard-Perret
Voir le site de l'artiste : https://www.instagram.com/caroline.nsc/
21:41 Publié dans Femmes, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)