21/12/2020
Maurizio Molgora : mirages
Maurizio Molgora cherche à investir le réel par différents types de bordures. Ce qui donne parfois au réalisme un certain potentiel psychédélique sans souci de purisme et pour créer ce qu'il nomme un "punk photographique" capable de décadenasser les visions classiques en remplaçant une beauté muséale par des schèmes moins parallèles.
Son œuvre est liée au phénomène de l'intervention des progrès technologiques et à l’évolution des moeurs auxquelles est confrontée un monde plus ancien. L'écriture photographique parvient au dépouillement et témoigne de l'attrait pour le détail et la nuance. Des sortes de plans de coupe donnent à la mise en scène une respiration et une dimension particulières. Il existe dans ces choix un sens incomparable de l’espace et de la présence humaine le plus souvent hors champ.
Le photographe sait creuser des formes narratives contre le simple récit. Et l'apparent statisme de l'œuvre cache de fait une dynamique fondée sur le sentiment du cours absolu du temps et de sa perte. De telles prises regardent les spectateurs autant que ceux-ci les regardent. Un peu comme cela se passe dans notre existence : ce que les vivants en comprennent, c'est lorsqu'ils en perçoivent l'absence, bref lorsqu'il est trop tard. Reste en effet dans notre regard bien du mal vu et de l'oubli que Molgora réanime
Jean-Paul Gavard-Perret.
10:03 Publié dans Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
20/12/2020
Clovis Paul : photographie et contre pouvoir
Né à Vevey Clovis Paul fut d'abord attiré par la recherche historique et documentaire mais se retrouve ouvrier dans l’industrie et la logistique, avant de devenir photographe professionnel en 2012. Il s'intéresse d'emblée aux mouvements sociaux et aux situations des déshérités et il révèle des situations limites qui soulignent bien des ruptures et des antagonismes.
Ses reportages le mènent d'abord à Bruxelles pour montrer le mouvement «No Border», actif envers les discriminations faites aux personnes immigrées et le second sur le squat du Gesù, et le logement de personnes précaires ou déclassées. Se dirigeant vers le phénomène migratoire il va ensuite en Sicile , retourne en Suisse (Lausanne, Chiasso) puis va en France pour montrer le mouvement des "Gilets jaunes" et à Calais où les émigrés demeurent autant en carafe qu'en transit.
Axés sur les mouvements de protestations et après un stage de perfectionnement à l’Ecole supérieure de photographie de Vevey il a conquis de nouveaux outils pratiques et a élaboré des stratégies théoriques propres au champ de l’art conceptuel critique et politique. Il trouve désormais un langage propre à renforcer son travail. La photographie est donc pour lui un contre-pouvoir face à toutes les idéologies qui entretiennent séparatismes et inégalités sociales.
Jean-Paul Gavard-Perret
08:51 Publié dans Culture, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
19/12/2020
Dan Hayon : éloge de la mauvaise photo
La série « Hommage à Paula Rego » est créée à partir d’authentiques mauvaises photos. "Il est important de prendre de mauvaises photos" écrit l'artiste. Il ajoute "elles ont à voir avec ce que je n’ai jamais fait auparavant. L’authenticité est inestimable; l’originalité est inexistante." D'où cette approche d'une forme de collapsologie ou de ravage.
Chacun de ces ratages contient son propre secret sur un secret que l'artiste lui-même ignore. C'est pour cela que leur supposé "plus" nous en apprend toujours moins. L'artiste a modulé ces photographies en des collages dans lesquels l’humour - mais pas la dérision désobligeante - est présente.
C'est une manière - proche du surréalisme et de Ersnt - pour ne pas trop prendre le monde au sérieux. L'artiste lutte contre l'ennui mais pour participer à la décadence de l’homme d’aujourd’hui. C'est dit-il encore "une tâche divertissante et la seule qui m’intéresse". Mais c'est aussi un hommage à la Portugaise Paula Rego qui regarda le monde comme le fait Hayon : à savoir selon une radicalité qui se moque des prétentions à un art classieux et qui veut donner des leçons. Ici c'est au regardeur d'y loger sa propre interprétation.
Jean-Paul Gavard-Perret
Dan Hayon, « Hommage à Paula Rego », 2020, https://hayon.typepad.fr
15:27 Publié dans Culture, Humour, Images, Résistance | Lien permanent | Commentaires (0)