03/04/2019
Miles Aldrige : mènagères de moins de 50 ans
Les scénographies glacées et ironiques du photographe anglais Miles Aldrige immobilise la femme au sein d’une quotidien ou de l’exceptionnel sans la moindre sollicitude et sans agressivité. Il y a là une série de sur et sous voltage, dans laquelle en dépit des apparences la femme n'a rien d'une oie blanche.
Elle vaque au sein d'attente vague. Son corps sexy apparaît dans une incarnation aussi proche que distanciée, sévère que drôle. Celles qui n’ont pas de nom se montrent sans se donner. Le tout dans une certaine indifférence. La femme ne semble plus à l’intérieur d’elle-même. Se devine la lumière-nuit d'une sexualité sans doute frustrée. Seuls les yeux s’écarquillent. Reste une étendue continentale structurée en véritables scènes. Quelqu’un parle en elle - non à sa place, ni dedans, ni dehors, ni même en travers - mais entre elle et elle en un vide existentiel.
Miles Aldrige s’invite, se place devant la femme. Elle l’accepte, prend vaguement acte de sa présence. En joue peut-être. Et son photographe saisit ce qui «normalement» ne peut être ni vu, ni pensé d'un astre d’inquiétude. La femme n’est plus l’être animée qui ose parler. Mais sa vision illusoire porte ailleurs que dans le mensonge. La mise en scène compte. Elle abrite celle qui se terre. Un silence résonne en une théâtralisation particulière. Pour l’image la plus nue. Et non l’image de la nudité.
Jean-Paul Gavard-Perret
Miles Aldridge, "Screenprints, Polaroids and Drawings, Christophe Guye Galerie.
09:49 Publié dans Culture, Femmes, Humour, Images | Lien permanent | Commentaires (0)
02/04/2019
Vianney Le Caer : bouillons de culturisme
Vianney Le Caer donne de Beyrouth une vision décomplexée et fléchée, pleine de liberté et d'humour. Le corps mâle y est mis en exergue dans tout un jeu de poses et de couleurs. Il interroge aussi sur la place qui demeure encore disponible à l'imaginaire.
La photographie est donc un départ ou un retour aux choses du quotidien léger afin d'aboucher volontairement en un certain décor de plage où la liberté et l'énergie se libère. Les photographies deviennent la matière même et l’éclat d’un secret qui ose se montrer avec ostentation.
Elles ne protègent plus de tout changement, de tout accès. Par leur effet-spectacle - dans le cercle clos de l’intime comme dans celui plus large du paysage - une forme ordinaire de pseudo-préservation des tabous est exclue. L’artiste provoque une rencontre décalée. Il s'agit d'oser un écart qui échappe à la vision donnée d'un pays rarement vu sous un tel "angle" au moment où Le Caer donne corps - en le montrant - aux liens qui permettent de s'interroger sur le pouvoir de l'image.
Jean-Paul Gavard-Perret
Vianney Le Caer, "Les Bronzeurs"
15:23 Publié dans Culture, Humour, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
29/03/2019
C.Q.Q.O.V.O. : mais où est donc ornicar ?
"C'est Quand qu'on va où ?" , Théatricul, Chêne-Bourg, du 26 mars au 2 avril 2019.
Cecile Xambeu et la compagnie C.Q.Q.O.V.O. poursuit sa route à travers un spectacle au titre éponyme emprunté au chanteur Renaud : "Dans un café, le poète Georges Haldas vient fumer son cigare et raconter ses légendes. Pendant ce temps, des personnages de Rimbaud, de Boris Vian, de Jacques Prévert, de Jean-Marie Gourio et d’autres apparaissent le temps d’un éclat de voix ou d’un aveu". Il y a là les fameuses "Brèves de comptoir" de Gourio transformés en Haïkus comme fil rouge à bien des rêveries farcesques mais profondes.
Les textes courts mis en scène et "oralisés" par Cécile Xambeu dilatent le temps. D'autant que la musique est là pour les prolonger et les animer. Oriane Joubert au piano et Lucas Duclos aux percussions habillent les textes. La comédienne (elle même poétesse) et les musiciens se permettent tout : l'une divague sciemment, les deux instrumentistes s'osent à des variations intempestives autant sur du rock expérimental que Ravel, Fauré, entre autres. Le seul privilège revendiqué est celui de la liberté au sein de cette ruche qui ignore les faux bourdons.
Une telle création musicale et poétique rapproche l'art populaire et l'art savant. Les vibrations organiques de la musique et de la voix évitent toute mentalisation appuyée au profit de l'émotion. Parfois le texte est premier, mais parfois la musique prend le pas sur lui. Les deux se complètent et se répondent pour une fête où tout (ou presque) est permis : ceux qui ne sont pas d'accord avec la troupe peuvent néanmoins faire partie de son "orchestre". Il convient de se laisser prendre et se réjouir sans modération.
Jean-Paul Gavard-Perret
11:30 Publié dans Genève, Humour, Images, Lettres, Suisse | Lien permanent | Commentaires (1)