03/06/2018
L’origine du monde selon Pierre-Olivier Arnaud
Pierre-Olivier Arnaud, « Premiers matériaux », Skopia, Genève, du 17 mai au 30 juin 2018
Le Lyonnais Pierre-Olivier Arnaud a exposé son travail dans divers lieux où l’art est en marche comme « Le Magasin » de Grenoble, le Mamco de Genève, la Kunstakademie de Stuttgart et aujourd’hui à la galerie Skopia. C’est l’occasion de découvrir un concept-art d’un genre particulier où se découvrent les pratiques et les modalités d’éléments parfois non identifiables et dont la localisation reste fluctuante.
Quoique photographe, Pierre-Olivier Arnaud se présente tel un artiste qui réfléchit par le moyen de la photographie. Ses œuvres questionnent inlassablement leur nature, sens, essence, production, mode de diffusion et de consommation. Fidèle à ce que Walter Benjamin pensait d’un art dévalué par sa possibilité de reproduction, l’artiste cherche à leur donner une aura par diverses manipulations : dénaturation, recadrage, floutage, dissémination, compactage, présence du négatif pour en tordre leur aspect vernaculaire.
L’artiste ne travaille souvent qu’une couleur, le gris : « un gris optique, indifférencié » dit-il. C’est pour lui une manière à la fois de biffer leur fonction première de copie (plus ou moins douteuse) du réel et de les transformer en une hantise du réel et des lieux. Après un long temps à l’attrait des détails, l’artiste s’intéresse de plus en plus à des visions plus larges et à la couleur. Il ne photographie plus seulement dans les espaces urbains désaffectés mais d’une certaine manière affectés. Si bien que d’une image a priori sans qualité l’artiste crée un univers très particulier qui fluctue entre la marchandise et l’originalité.
Jean-Paul Gavard-Perret
08:35 Publié dans Genève, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
29/05/2018
Anaëlle Clot et Simon de Castro : parade amoureuse
Anaëlle Clot et Simon de Castro, Espace Eeeeh! La Grenette, Place du Marché 2, Nyon. Du 8 au 23 juin 2018.
Pour dire les mots de l’amour en « repons » et afin d’éviter les contresens Anaëlle Clot et Simon de Castro (qui collaborent depuis des années sur des projets parallèles dont la revue « Aristide » qu’ils ont créée) ont usé du langage plastique en conservant leur propre thématique. Les sept mots choisis par chacun (Collision, effort, métamorphose, rencontre, rythme, souvenirs, camouflage, songe, solitude, structure, apparaître-disparaître, danse, repos, effervescence) sont devenus la base de ce travail.
Anaëlle Clot dessine toujours une nature dense, Simon de Castro un univers moins souple, plus rigoureux. Mais cette opposition offre une complémentarité agissante. Là où soudain les deux amoureux créent incidemment une sorte d’abstraction qui les rapproche : preuve que l’amour permet une confrontation agissante. L’éros de la double psyché se dissipe pour atteindre d’autres voies comme s’il passait par deux fenêtres qui se font face.
Différentes formes d’espaliers se construisent. L’exposition devient donc un lieu d’expérience. Les visiteurs ont l’occasion de « vivre » une histoire d’amour selon un cadre qui préserve son vécu de manière indirecte là où les émotions et les sensations sans devenir cosa mentale sont finalisées par les images. Entre activité et passivité, séduction et retrait, une conquête et une quête se poursuivent : chacun dans ce duo répond à l’autre par son propre chant des lignes.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:32 Publié dans Genève, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
26/05/2018
Gérard Pétrémand : voir "moins" pour voir mieux
Gérard Pétrémand, " le nu dans tous ses états", ArtDynasty, Genève
Gérard Pétrémand sait combien la nudité est un voile. C'est pourquoi il le traverse par des lumières qui ondoient, déchirent et sabrent l'apparence. Il s'agit non d'annuler le nu mais de le dévoiler non seulement en le dégageant de l’effet civilisateur du vêtement. Surgit un véritable “ cubisme ” identitaire. Il joue sur un rendu simultané des facettes intimes et publiques. L'intimité ne se remodèle pas selon nature : elle s’enrichit par superposition de strates
L'artiste genevois prouve que le questionnement sur le sexe n'est jamais vraiment apprivoisé. C'est pourquoi le photographe érotise le nu de manière ludique et surexposée. Manière d'éviter certaines attentes et de proposer d'autres lois au genre. Le lumière nimbe le corps dans la promesse qu'il éclose en créant des essors inédits.
L'artiste invite à une fouille astucieuse et ironique. Et parfois symbolique. Dans les arceaux de lumière peut se chercher l’image d’une autre femme ou d'un autre homme qu’on aurait côtoyé, voire peut-être rêvé. Surgit aussi le regard ambigu sur le statut non moins ambigu du nu dans une société avide à la fois de montrer pour mieux cacher. L'artiste nous donne donc à voir le travail de sape salutaire pour la vraie liberté du corps Celle qui fonde et qui brise, celle qui révélée tend à occuper tout l’espace et faire le vide autour d'elle.
Jean-Paul Gavard-Perret
17:18 Publié dans Culture, Genève, Images | Lien permanent | Commentaires (0)