12/10/2018
Stéphane Dafflon : abrasions et quintessences
Stéphane Dafflon, "Magic Eyes", Galerie Xippas, Genève, du 13 septembre au 3 novembre 2018.
Pour sa deuxième exposition à la galerie Xippas, l’artiste suisse Stéphane Dafflon propose un ensemble d’œuvres inédites. Il reprend à son compte et recycle les méthodes de production et les formes du design industriel et du graphisme. Il conçoit chacun de ses tableaux par ordinateur, à l’aide de logiciels. Les motifs qu’il utilise (notamment les rectangles aux angles arrondis) sont puisés dans le répertoire décoratif de la stylistique contemporaine.
De telles images déploient leur immédiateté visuelle et leurs formes élémentaires et colorées hors de tout système métaphorique. Elles sont dégagées des carcans idéologiques de la modernité et des effets spectaculaires de l’Op-Art. Elles sont conçuespour s’adapter à différents lieux d’exposition et joue sur une forme d’abstraction géométrique chère à tout une "tradition" de l'art helvétique du XXème et XXIème siècles.
L'artiste élabore une stratégie subtile de brouillage des repères physiques et visuels : assumant pleinement sa dimension atmosphérique, elle instaure une partition chromatique qui vient contrecarrer la perception habituelle de l’espace. Perdure ainsi au milieu de la densité des couleurs ou parfois de leur effacement une impression de mystère loin d'un minimalisme de pur confort. Tout se passe comme s'il fallait éviter que les chose, les sujets, les thèmes ne se ramassent complètement. C'est pourquoi au coeur même de la matière peinture, l'artiste atteint à la fois une densité de vue nécessaire et dérangeante.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:18 Publié dans Genève, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
05/10/2018
David Lemaire "lecteur" de Luisanna Gonzalez Quattrini
David Lemaire, «Luisanna Gonzalez Quattrini. Accroupissements», art & fiction, Lausanne et Musée des beaux-arts de La Chaux-de-Fonds,2018, 24 CHF.
Réalisé à l’occasion de l’exposition "Accroupissements" au Musée des beaux-arts de La Chaux-de-Fonds (4 novembre 2018 - 3 février 2019) ce livre permet d’approfondir le travail de Luisanna Gonzales Martini. Née en 1972 à Lima, elle vit et travaille à Bâle. Elle a déjà présenté son travail dans plusieurs expositions - entre autres, à la galerie Bis Heute de Berne et au Swiss Awards, Messe Basel. David Lemaire est fasciné par les travaux immensesqu’elle réalise. Ils ont trait à la représentation mentale qui transforme le réel. Et cette question interpelle le directeur du Musée de la Chaux-de-Fonds.
Auparavant et en 2007 dans « Private garden » (Héros Limite), l'artiste publia de très courts récits aussi denses que fantasmatiques qui sont autant de souvenirs que des remarques elliptiques :« Pina veillait sur moi depuis que j’étais toute petite, dans mes rêves elle était ma mère. / Teófilo travaillait dans les jardins publics; aujourd’hui il n’arrose plus que mon jardin. / Antonia travailla durant cinq ans sans recevoir aucun salaire, elle avait demandé qu’on lui mette l’argent de côté pour après, il n’y eut jamais d’après. » Le principe de linéarité était abandonné au profit d’une utilisation visuelle des signes.
Les oeuvres plastiques de Luisanna Gonzales Martini fomentent des suites à de tels récits. Existe dans ces peintures un onirisme tendre fait de repentirs visibles avec des touches d'humour. Le regard est mis en équilibre instable entre diverses impressions. Tout tient en instance de la délicatesse persistante tant par les formes que les couleurs. Leur étrangeté joue entre présence et régression. S'y dévoilent une rélexion sur la peinture et une mise en rapport de l'image au monde.
Jean-Paul Gavard-Perret
14:15 Publié dans Femmes, Genève, Images, Lettres, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
02/10/2018
Yann Haeberlin : traversées
Yann Haeberlin, Art en Île - Halle Nord, espace d'art contemporain, Genève, octobre 2018.
Flâneur d'Afrique et d'Europe, Yann Haeberlin - lauréat 2017 de la bourse de la Ville de Genève pour la photographie documentaire - a parcouru le Burkina Faso, le Benin, le Togo, le Sénégal, la Mauritanie, le Maroc avant de remonter vers l'Espagne jusqu'en Suisse. Il a effectué le voyage que font les oiseaux migrateurs de (presque) un coup d'ailes et qu'effectuent plus lentement celles et ceux qui fuient la guerre, la faim dans l'espoir de trouver en Europe des terres moins hostiles mais qui ne le sont pas toujours.
Il a photographié des êtres humains et leurs lieux "exogènes" comme il a photographié en Suisse les domaines skiables et à Lausanne les anciens jardins familiaux du quartier de la Bourdonnette. Avant leur destruction, il a pu saisir des cabanes habitées par des migrants d’horizons divers. En dévers des utopies imagerantes Haeberlin refuse la mise en boîte muséale de l’art. Les choses de la vie deviennent sources de création. Le monde reste un atelier ambulant s'y mêle la neige et le sable, les hommes et leurs traces parfois abstraites et presque invisibles.
Le photographe accumule une sorte de documentation. Elle se transforme en instants de poésie intempestive. L’art pour autant ne bascule jamais dans l’à-peu-près. Choisissant toujours des prises frontales Haeberlin suggère des atmosphères étranges et éphémères où se mêlent divers indices de précarité. Outils, fruits, légumes, objets divers, espace, jouxtent les hommes dans le désordre de lieux et de situations provisoires. La vie est là : grave et ludique, pleine d'humilité et de coeur. L'artiste offre des constats : au regardeur d'y effectuer son propre chemin.
Jean-Paul Gavard-Perret
17:49 Publié dans Culture, Genève, Images, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)