10/05/2019
Cecile Xambeu : poétique de la lucidité
Cécile Xambeu, "Angèle n'a pas de sex-appeal et craint pour ses ailes", Editions des Sables, Perly, Genève.
A celles qui estiment qu'importe le flacon pourvu qu'elles aient l'ivresse, Cécile Xambeu apporte bémols et dièses, d'autant que les promesses d'aria et de gloria finissent parfois en te deum deceptifs.
Pour autant Cécile Xambeu n'est pas rancunière. Primesautière, libre, charmante comme son Angèle, elle n'en fait pas une choucroute. Elle sait que l'homme, son quintal et son crotale possèdent parfois bien des faibleses : "je te veux mais ne peux" vont à la bête comme à son propriétaire.
Toutefois avec une certaine distance, un bon desherbage des illusions par Monsanto de l'amour, tout vient à point qui sait attendre. Et ce pour faire bonne fortune et bon coeur plutôt que pied de grue ( ce qui dans ce contexte et eu égard à Angèle serait si mal venue). Pour parfaire l'ensemble écrire des poèmes permet de distiller les sucs de l'amour. Certains procurent l'ivresse (voir plus haut) mais parfois aussi une certaine acidité qui n'est pas que gastrique.
Jean-Paul Gavard-Perret
10:24 Publié dans Femmes, Genève, Lettres, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
08/05/2019
Anaïs Wenger : tout feu, tout glace
Anaïs Wenger, "Etoile", Centre d'Art Contemporain, Genève, du 16 au 22 mai 2019.
"De même que la romancière Zelda Fitzgerald se lançait à corps perdu dans la pratique intensive du ballet pour devenir danseuse étoile, Anaïs Wenger a décidé de changer de mode de vie le temps de sa résidence au Centre d’Art Contemporain Genève." Sur la patinoire des Vernets à Genève elle a créé un film très particulier entre documentaire à la fiction.
L'artiste s'est associée à Sayaka Mizuno, cinéaste et ancienne championne Suisse da patinage pour réaliser le "Etoile", sa première expérience cinématographique où des sportives explorent non sans risques des figures inédites.
Pour Anaïs Wenger la patinoire incarne le lieu fabriqué afin de reproduire les possibilités d'espaces ailleurs libres et naturels. Il s'agit à la fois de glisser sur la glace comme de la briser. S'instaure le rêve de qui cherche à devenir "ailé" dans la quête de la performance et de la perfection.
Anaïs Wenger ouvre ce "miroir" où l'être doit offrir un spectacle aussi attendu que mystérieux à la recherche de l'exploit en des entrelacs presque dénoués, des vagues qui s’étendent même quand le présent se fend là où toute effraction laisse une trace, une errance programmée. Existe là une quête de la représentation de la femme en une perfection imposée. Le corps féminin n’est plus un objet : il devient une étoile aussi filée que filante en ses défilés, sa présence.
Jean-Paul Gavard-Perret
10:05 Publié dans Femmes, Genève, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)
06/05/2019
Timothée Calame : sans tenir là
Timothée Calame, "Altera", Centre d'Edition Contemporaine, Genève, du 15 mai au 28 septembre 2019.
Timothée Calame joue avec les matériaux et des échelles. Dans un mixage d'objets improbables et d'éléments intimes, l'oeuvre remet en cause les pouvoirs qui pèsent sur l'homme en montrant comment les mécanismes de l'économie troublent nos espaces publiques et privées, voire sensoriels et mentaux.
Installations, sculptures, peintures et vidéos servent à mettre à jour des systèmes d'exclusions et de disparité sociale. Il y a trois ans le Genevois, au Swiss Institute de New York, aménagea les lieux avec des bâches (récupérées dans les rues de Marseille pour dissimuler des immeubles vides) afin de former le tracé d'un labyrinthe, image d'une spéculation "ordinaire".
Attentif aux incohérences nuisibles du libéralisme Calame propose une pratique expérimentale. L'économie de moyens joue à plein afin d'appeler à un nouvel ordre plus sensible à la catastrophe planétaire annoncée. Existe une diversité de sujets et bien des façons de les montrer afin que les choses et surtout les responsables bougent enfin un peu. Il faut que ceux qui naissent aujourd'hui vivent vieux et non dans un monde du désenchantement. Faire c'est ainsi pour lui inscrire, pièce par pièce, une poétique du vivant et non d'une basse survivance.
Jean-Paul Gavard-Perret
15:14 Publié dans Culture, Genève, Images, Résistance, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)