28/12/2020
Les arbres de vie de Yehudit Sasportas
Tenter de s'approcher de l'œuvre de Yehudit Sasportas revient à glisser dans les images faussement naïves et premières où remonte une histoire faite de failles mais aussi de présence obstinée. Une telle figuration fait deviner l'annonce d’un éden toujours possible : elle désigne et dessine néanmoins l'écart qui nous en sépare. L'arbre devient la sentinelle des songes ; il engage à la course folle du lièvre et de la tortue. Quelque chose nous dépasse à l'épreuve du temps.


Yehudit Sasportas, "Liquid Desert", Sommer Gallery, Tel-Aviv
10:00 Publié dans Culture, Femmes, Images, Résistance | Lien permanent | Commentaires (0)
26/12/2020
Laurence Boissier : grands et petits moments de solitude
Laurence Boissier, "Inventaire des lieux", art&fiction, coll. SushLarry, Lausanne, janvier 2021, CHF17.80, 168 p..
Laurence Boissier poursuit un travail de sape aussi insolent qu'en demi-teinte et toujours avec humour. Elle explore des situations qui, quoique des plus communes, ne sont pas forcément faciles à vivre.
Occuper une baignoire à deux, assumer un plein d’essence, entrer sur une piste de danse reste a priori donné à tout le monde mais cela n'empêche pas certains écarts de conduite dont nous pourrions aisément nous passer. Mais l'esprit ou le corps possède d'étranges lapsus gestuels qui nous échappent et sont sans doute aussi révélateurs que ceux sur lesquels Freud mit le doigt.
Il est inutile probablement d'en faire une choucroute, mais dans ces moments là, l'émotivité nous rend non seulement inconséquents mais parfois ridicules. Et nous sommes ravis de trouver en la Suissesse notre soeur en maladresses. Elle devient la doctoresse mais aussi la patiente de telles situations dont elle fait un tour en laissant remonter ses propres souvenirs d’enfance, d’adolescence et de maternité. Cadrant les situations d'actes presque manqués elle met à nu nos états d'impuissance au moment où nous avons rêvé soit de jouer les autruches soit de prendre la fuite.
Capitaine de navigation au long cours aux commandes d'un charriot de la Migros dont les roues semblent suivre des courants opposés, entre flegme et dérision, l'auteure propose des situations à double fond : les pistes de stations essences ou celles de danse , les couloirs des super-marchés comme des métros. Reste néanmoins, une fois que nous avons évité la chute de nos corps et de nos dignités, de reprendre le cours de notre apparente réussite. Quitte à la surjouer.
Jean-Paul Gavard-Perret
09:26 Publié dans Femmes, Humour, Lettres, Suisse, Vaud | Lien permanent | Commentaires (0)
24/12/2020
Ella Walker et les portraits énigmes
Ella Walker mélange les cultures, leurs mythes et les systèmes de représentation. Son travail devient une méditation et une exaltation unissant un mouvement de dilatation à celui de la concentration. Se lient l’infime le spectaculaire et le spéculaire dans un post expressionnisme et surréaliste - jusqu’au leurre de tout effet de remise figurale. C’est en cela que son oeuvre fascine puisqu’elle réunit les contraires en une harmonie où il s’agit de s’abîmer dans une extase ambiguë.
Surgit un espace particulier où le voyeur recherche plus son âme qu'un réservoir de fantasmes. Ella Walker fait en ce sens, du spectateur, un "névrosé" d'un genre particulier. Ma névrose est ici non pathologique mais saine. Loin d'une signification incestueuse à la jouissance de l’Autre, le regardant que façonne l'artiste se met " dans la conséquence de la perte" selon la formule de Lacan à travers des images qui signalent l’inconsistance, l’inexistence du monde tant leur signifiant devient équivoque.
Mais cette vision d'œuvres désamorcées de leur sens premier permet d'en jouir mentalement et dans l’imaginaire, puisque ces images détournées sont tout à fait réelles et possèdent des effets de réel perverti. Nous pouvons parler à propos de telles œuvres de "disapparition" (selon la formule de N.J. Woo) au coeur d'une écriture plastique qui fait des images que nous connaissons des figurations "inconsistantes". L'oeuvre fait de l'univers de la représentation traditionnelle une marge ou un hors-lieu. L'imaginaire s’accordant au réel de la jouissance, l'écarte d'une jouissance du réel tel qu'habituellement il est donné à voir.
Jean-Paul Gavard-Perret
Ellla Walker, Huxley Parlour, Londres.
20:51 Publié dans Culture, Femmes, Images, Suisse | Lien permanent | Commentaires (0)